JP Witkin, Harvest (Moisson), Philadelphie, 1984
Plonger au cœur des œuvres de Joel-Peter Witkin, c’est toujours un peu comme aller au théâtre. Ses mises en scène sont soignées et magistrales. Dans le même temps, par ses grattages sur le tirage, Witkin donne à ses images un côté artisanal et technique tout à fait intéressant à l’ère de la photographie numérique.
Une vidéo nous permet d’observer la globalité du travail préparatoire à toute photographie. Chaque geste est étudié au centimètre près, chaque détail a une importance primordiale. De plus, les fonds devant lesquels les personnages posent sont peints au préalable par Witkin. Ainsi sur les tirages nous pouvons observer les traces du pinceau, les coulures de peintures. Cette même vidéo nous dévoile sa profonde empathie pour ses modèles, le respect infini qu’il porte à la souffrance humaine.
Vous le constaterez souvent, Witkin photographie et met en scène de véritables crânes humains, mais quelle différence avec les centaines de crânes qui composent les Vanités, genre pictural jalonnant l’histoire de l’art! Prenons aussi la mythologie qui n’est qu’une succession d’abominations, trahisons et autres violences, sexuelles notamment, dont l’art s’est souvent fait l’écho.
JP Witkin, Daphné et Apollon, Los Angeles, 1990
L’extrême dérangeant que nous montre ce photographe peut sembler un peu oppressant, pourtant ce type de sujets a toujours eu sa place dans l’art et non des moindres. Pensez aux célèbres Caprichos de Goya où les monstres et les corps traumatisés se succèdent. Les représentations des différents supplices des saints mettent également à l’honneur les pires atrocités. Un exemple nous est donné dans l’exposition, le martyr de Sainte Agathe par Cornelis Cort (1533-1578). Cette femme aurait été torturée par les seins, je vous laisse imaginer ses souffrances.
Cette mise en perspective des œuvres de Witkin avec d’autres œuvres plus anciennes nous aide à comprendre la place indéniable qu’occupe Witkin dans l’art et ainsi à dépasser l’aversion première que peuvent susciter ses images.
Souvent Witkin ponctue ses photographies de notes d’humour comme avec cette femme qui a, comme on dit, « les yeux plus gros que le ventre » puisqu’elle se masturbe sur la lune! Ou bien encore cette scène cocasse d’une chèvre poursuivant une naine.
Théâtraliser le morbide, le bizarre et plus précisément, tous ceux qui sont perçus comme différents, tel est donc le credo de Witkin. Ainsi les personnes obèses, les hermaphrodites, les corps abimés par la maladie, les déformations, les accidents et les pratiques sexuelles hors « normes » ont toute leur place dans son travail.
Voici l’objectif que poursuit Witkin depuis le début de sa carrière : « Je voulais que mes photos aient la force de l’ultime vision ou de l’ultime souvenir d’un mourant ».
Joel-Peter Witkin
Enfer ou Ciel
27 mars au 1er juillet 2012
Site Richelieu Galerie Mansart
Paris 75002