Et puis, il y a eu Kyôto ...
Kyôto et son Pavillon d'Or, le Kinkaku-ji, sous la pluie encore, mais qu'importe, cela n'a altéré en rien mon émotion face à ce petit bijou d'architecture nippone, niché dans son écrin de verdure ...
C'est à l'époque Héian - où la retraite dans la montagne connaît un véritable engouement de la noblesse japonaise - que le Shôgun Ashikaya Yoshimitsu fit construire le Kinkaku-ji, temple en partie recouvert de feuilles d'or.
Mes photos ne sont pas très réussies, mais c'est toujours avec nostalgie que je contemple le pavillon et son reflet dans le Kuoko-chi, le petit lac miroir qui le précède.
Le Kinkaku-ji a été incendié volontairement par un moine en 1950. Cet évènement dramatique a inspiré à Mishima son roman "Le Pavillon d'Or", récit où la passion d'un jeune moine pour ce magnifique bâtiment le mènera inexorablement vers une folie destructrice et meurtière ... Heureusement, le pavillon, Trésor National Nippon et classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, a été reconstruit à l'identique.
"Le Pavillon d'Or, que je revoyais après plusieurs mois, reposait sereinement dans la lumière de l'été finissant.
J'avais le crâne tout frais rasé de mon entrée en sacerdoce et j'éprouvais la sensation que l'air collait étroitement à ma tête - la périlleuse sensation que toutes les idées nichées dans ma cervelle entraient en contact avec les phénomènes extérieurs par cette seule et mince épaisseur de peau, hypersensible et si vulnérable !
Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne. De la même façon qu'en plein soleil ce crâne devenait brûlant, ou était instantanément rafraîchi par la brise du soir.
Pavillon d'Or ! Je suis enfin venu près de toi ! murmurais-je en moi-même, m'interrompant de balayer l'allée. Je ne dis pas tout de suite, mais un jour, fais-moi un signe d'amitié, je t'en prie ; révèle-moi ton secret. Ta beauté, il ne tient qu'à un seul fil qu'elle ne m'apparaisse, je le sens, et pourtant elle m'échappe encore.
Plus que celui dont je garde en moi l'image, c'est le vrai Pavillon d'Or que je te prie de me laisser découvrir dans toute sa beauté. S'il est vrai que sur terre rien ne peut t'être comparé, dis-moi pourquoi tu es si beau, pourquoi tu ne peux faire autrement que de l'être."
Outre la pluie que l'on voit tomber sur le toit de chaume - enfin plutôt de mousse - de la petite maison de thé, l'eau est omniprésente en ces lieux : le petit lac miroir, les étangs, les cascades ...
C'est certes un endroit très touristique, le plus célèbre de Kyôto peut-être, mais il faut savoir faire abstraction ou se déjouer des visiteurs souvent très bruyants - et là, la pluie m'a beaucoup aidée ;) pour en apprécier la beauté en toute sérénité. Il pleuvait trop pour s'installer dans la petite maison de thé, mais on y a une vue d'ensemble grandiose ...
Bien qu'étant déjà à la moitié de ce premier voyage, et malgré les remarquables lieux et monuments déjà visités, je ne crois pas me faire parjure en disant que c'est là, à Kyôto, que les choses sérieuses ont commencé entre le Japon et moi : une relation durable et passionnée, si ce n'est passionnelle ... je vous laisse juges ;)
Photos à Kyoto, Kinkaku-ji, juillet 2006