AFP/JEFF PACHOUD Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur incurable au visage, à Plombières-lès-Dijon (Côte-d'Or), le 26 février 2008.
EUTHANASIE. Le tribunal de Dijon a refusé hier d'autoriser un médecin à abréger les souffrances de Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur cancéreuse incurable.
La justice dit non
:Dominique Richard
Comme c'était prévisible, Chantal Sébire n'a pas obtenu gain de cause. Hier, le tribunal de grande instance de Dijon, statuant en référé, a rejeté la demande d'euthanasie formée par cette ancienne institutrice. Âgée de 52 ans, Chantal Sébire souffre d'une maladie incurable qui la défigure. Une tumeur cancéreuse se développe inexorablement sous l'épiderme de son visage. À bout de douleur, insensible à la morphine qui la calmait jusqu'alors, elle avait saisi la justice pour qu'elle autorise un médecin à prescrire les médicaments lui permettant de partir dignement.
« Même si la dégradation physique de Mme Sébire mérite la compassion, le juge en l'état de la législation française ne peut que rejeter sa demande », affirme le magistrat ayant rédigé l'ordonnance. Le Code de la santé publique interdit à tout médecin de donner délibérément la mort. Votée en 2005, la loi Léonetti a banni l'acharnement thérapeutique et instauré le laisser-mourir lorsque tout traitement est vain (euthanasie passive). Les soignants ont le droit et le devoir de soulager les souffrances. Mais ils ne peuvent les abréger sous peine d'être traduits devant une cour d'assises.
« Je le ferais ailleurs ». En France, aussi bien l'euthanasie active (l'aide à mourir apportée à une personne en fin de vie) que le suicide médicalement assisté (le concours donné quel que soit l'état de la personne) tombent sous le coup du Code pénal. « Je sais comment me procurer ce dont j'ai besoin. Si je ne me le procure pas en France, je le ferais ailleurs. » Avant même la décision du tribunal, Chantal Sébire a annoncé qu'elle se refuserait à supporter la dégradation irréversible de son état et les douleurs qui accompagnent sa déchéance.
Chantal Sébire, qui souhaite en finir au plus vite, refuse la proposition faite par le Premier ministre François Fillon : « Le placement dans le coma. » Elle n'attend pas grand-chose non plus de l'entrevue que son médecin traitant doit avoir demain avec le professeur Arnold Munnich, le conseiller pour les affaires de santé de Nicolas Sarkozy. Ce dernier suggère qu'un nouvel avis médical soit émis par un collège de professionnels. De façon à être certain que toutes les ressources de la médecine ont été épuisées. Quelles que soient les observations de cet aréopage, on voit mal comment il pourrait proposer une solution capable à la fois de satisfaire cette enseignante et compatible avec l'état du droit.
En Suisse. Si l'opération médiatique engagée par Chantal Sébire se brise, comme c'est probable, sur un veto gouvernemental, deux solutions s'offriront à elle. Soit se rendre en Hollande ou en Belgique, les deux seuls pays européens ayant légalisé l'euthanasie sous certaines conditions. Soit mettre fin à ses jours en Suisse, un pays où le suicide médicalement assisté est possible. Il suffit de constituer un dossier médical et de le soumettre à un organisme agréé. Chaque année, plusieurs dizaines de membres de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui soutient Chantal Sébire, passent la frontière pour s'éteindre au moment où ils veulent et comme ils le veulent.