Exploiter la xénophobie

Publié le 24 mai 2012 par Omelette Seizeoeufs
 

L'autre jour je parlais du problème que nous avons aujourd'hui pour communiquer ce pour quoi la xénophobie politique n'est pas acceptable. Jusqu'à la prise de fonction de Nicolas Sarkozy en 2007, il y avait Les repères historique et moraux qui servaient encore récemment pour fonder un consensus qui plaçait le Front National et ses idées dans un hors champ politique. Depuis le fameux "siphonnage" des électeurs du Front National, et la poursuite d'une politique xénophobe censée garder ces électeurs dans le giron de l'UMP, et depuis que Marine Le Pen a mis en sourdine l'antisémitisme et négationisme qui étaient les marques de fabrique de son parti, ce n'est plus une évidence, pour une partie significative des hommes politiques de droite, ainsi que pour une partie signficative de l'électorat, qu'il est repréhensible d'exploiter politiquement et de valider la xénophobie.

Il faut donc trouver de nouvelles raisons pour dire pourquoi ce n'est pas bien d'être xénophobe. Rosaelle a repris le sujet, proposant un renforcement de la laïcité et un approfondissement de l'histoire dans l'éducation. Ce dernier point me paraît important, le seul probléme étant qu'il faudrait aller plus vite. Éduquer prend une génération, tandis Buisson, Copé et les autres innovent toutes les semaines.

 

Ce n'est pas comme si la société française est devenue subitement plus xénophobe ou islamophobe qu'avant. Les changements de comportement que nous observons à droite sont dûs au simple fait que leur marge d'expansion électorale n'est plus au centre mais à l'extrême droite. Ils ont découverte en même temps que la pêche aux voix "marinistes" ne leur coûte presque rien chez leurs électeurs centristes. Même le désaveu de Bayrou juste avant le second tour n'a pas eu un impact énorme en termes de reports de voix. La mollesse des humanistes (tiens, titre de billet à venir) permet finalement toutes les dérives. Quoiqu'il en soit, il est important de se rappeler qu'il s'agit finalement d'un partie de l'électorat qui exerce beaucoup d'influence justement à cause de son instablilité : ceux qui votent Le Pen, estime-t-on, pourraient voter tout aussi bien pour l'UMP ; ils peuvent donc influencer une élection en apportant quelques points supplémentaires précieux. Rien ne nous indique que l'ensemble de la population les suivent.

Ce qui a changé, et c'est ce qui explique la mollesse des humanistes, c'est-à-dire les "humanistes" de droite, c'est que, comme je disais, les arguments qui mettaient naguère la xénophobie hors jeu ne tiennent plus. Mon idée de l'autre jour était qu'en lâchant l'antisémitisme, Marine Le Pen a trouvé comment déjouer notre système de résistance à l'extrême droite. La xénophobie dirigée purement contre les "immigrés" (même s'ils ne sont pas des immigrés mais seulement des immigrés "d'apparence") ne suscite aucun scandale sur les plateaux télé. Se demander s'il n'y a pas "trop d'immigrés en France" passe pour une question ordinaire, alors qu'elle n'est que la reformulation de l'idée de la "purification éthnique" qui a connu un vif succès en Serbie pendant les années 90. La savante confusion entretenue entre Islam, "immigrés" et insécurité finit par justifier dans les esprits des téléspectateurs le sérieux de cette idée de "trop".

Prenez cet éditorialiste de chez Atlantico, qui, tout en admettant la présence de toutes ces autres "nations" sur le sol français, représentées par les fameux drapeaux de la Bastille, déplore l'absence du drapeau tricolore qui

[Semble] faire honte à ceux qui admettent tous les nationalismes à condition qu’ils ne soient pas français, qui sont ouverts à tous les communautarismes dès lors que la communauté dont il s’agit n’est pas la communauté française

La "communauté française", cela devient presque une éthnie qui doit se défendre contre les autres.

 

C'est sur ce plan de ce qui constitue aujourd'hui une attitude ordinaire vis-à-vis de ces thématiques que tout se joue. Car même si on n'est pas soi-même xénophobe, leur banalisation fait qu'un "humaniste" n'a plus d'angoisse à cohabiter, dans un même parti, avec de véritables xénophobes, ou, et c'est presque pire, des gens qui savent manipuler la peur et la haine à des fins purement électoralistes.

Et c'est là peut-être que l'on peut identifier une valeur – valeur négative – qui pourrait servir à fonder la contre-attaque aux dérives de l'UMP, cette UMP que représente Jean-François Copé quand il dit "quand on vote Front national, on a Taubira", c'est l'hypocrisie. Si ce n'est pas bien d'être xénophobe, c'est pire de l'encourager et d'en profiter. Le quinquennat de Sarkozy fut une longue tentative de concrétiser une politique xénophobe, symbolique mais bien réelle aussi. Les resultats n'ont pas satisfait ces électeurs qui ont choisi Marine Le Pen au premier tour. Le reste n'est que gesticulation, instrumentalisation et exploitation. Cynique. Hypocrite. Dans un premier temps, c'est de là, à mon avis, que doit partir la riposte.