EXTRAIT :
« «C’est le dernier recours des hommes blancs traqués, volés, dépouillés, assassinés par les Sémites, et qui retrouvent aujourd’hui la force de se dégager de l’abominable étreinte. Mort ! Mort au Juif ! Oui. Répétons. Répétons-le. Mort ! M.O.R.T AU JUIF ! Là !»
Et, avec une satisfaction amère, pensant à la Juive que j’aimais d’un amour fou et que je voulais sauver plus que moi-même, je signai – de même que je signerai tout à l’heure cette lettre à vous destinée, Monsieur le Commandant -, je signai, à grands traits rageurs de mon stylo : Paul-Jean Husson. »
AVIS :
Il y a décidément un soucis dans le paysage littéraire français, ou du moins une tendance à la bêtise. Le livre dont nous vous parlons cette semaine, « Monsieur le Commandant », paru à la fin de l’été 2011, ne connait une réelle médiatisation que depuis son passage dans l’émission « On n’est pas couché », et ceux malgré des ventes de livres augmentant de mois en mois depuis déjà 10 mois.
On ne va pas vous mentir, nous aussi nous étions totalement passés à côté de ce roman/lettre de Romain Slocombe. Et sur ce coup là, on est vraiment désolé. Mais plutôt que de sortir le martinet, et le fouet clouté, on préfère reporter la faute sur la rentrée littéraire d’automne et son hyper-médiatisation de 10 à 15 titres qui remplissent les tables des libraires et les cerveaux des consommateurs.
C’est pas vraiment notre genre de remercier Laurent Ruquier, mais, là il semble que l’on soit réellement obligés…
« Monsieur le Commandant » de Romain Slocombe apparaît, dès les premières pages, comme un livre puissant. Paul-Jean Husson, académicien de son état, et célèbre écrivain de l’Entre-deux-guerres, part se retirer en Normandie pendant l’Occupation. Profondément antisémite et pétainiste – ça allait souvent de paire à l’époque – il est rejoint par son fils, Olivier, et sa nouvelle femme, Ilse, allemande au parfait physique aryen. Alors qu’Olivier rejoint la France Libre, Paul-Jean et Ilse tombent amoureux. Seul souci, Ilse est juive…
Le roman de Romain Slocombe s’inscrit dans un procédé intéressant et futé puisqu’il correspond à une lettre de Paul-Jean, dénonçant la condition juive de la femme qu’il aime, au Commandant allemand de la Kreiskommandantur.
Cette lettre de délation, imaginaire, quoique inspirée de véritables lettres retrouvées et étudiées par Romain Slocombe, n’en demeure pas moins honteuse et ignoble. C’est là que réside la véritable puissance de « Monsieur le Commandant ». Aux travers d’un texte cru et d’une vérité nue, l’écrivain ne nous épargne rien. Il nous détruit, au passage, les croyances d’un amour idéal, que rien ne peut arrêter. L’histoire d’amour ici, belle et si touchante, est balayée par l’antisémitisme et la saloperie de Paul-Jean, ignoble et pourtant touchant.
On découvre, ici, un génie de la littérature française, qui nous livre un roman brillant et bientôt incontournable. En nous montrant la partie la plus vile de l’humain, Romain Slocombe nous donne une grande claque, et nous rappelle la réalité de notre Histoire.
« Monsieur le Commandant » est à la fois terrible et merveilleux, époustouflant et dépitant, irrésistible et douloureux…Vous l’aurez compris, le roman est un nid à oxymores et sentiments contraires.
À la lecture de cette lettre, l’horreur des propos tenus risque de vous indisposer et vous persuader de stopper quelque peu votre exploration, tandis que le style et le phrasé de l’écrivain ne vous convainc que de lire ces pages d’une traite. Un véritable oxymore ambulant on vous dit !
À la fin de l’ouvrage, une seule question demeure : il était où le Romain Slocombe pendant les remises des prix littéraires ?
Cette semaine, donc, on vous conseille vivement, extrêmement, ardemment, de lire « Monsieur le Commandant » du futur très grand Romain Slocombe, si vous le trouvez…Oui parce que même Fnac.fr est en rupture de stock. Bien joué Laurent Ruquier.