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Alors la virtualisation changera de visage - partie I

Par Alainlasverne @AlainLasverne

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our qui a suivi l'actualité ces derniers temps, il était difficile de passer par-dessus la séquence présidentielle, particulièrement dans les grandes chaînes généralistes, TF1 et France 2 qui retiennent autour de 70% des spectateurs en moyenne sur un an.

Loin du traitement rhétorique que sollicitent logiquement les programmes et de la bataille d'idées que devrait générer une campagne présidentielle, nous avons eu droit à une à une mise en scène aussi croissante que creuse de cette séquence, à un degré jamais atteint.

Cette dynamique de spectacle a culminé avec la soirée du deuxième tour, offrant quelques moments de discussion égarés dans une alternance de plans de foules, de courses au candidat et de mises en décor diverses, où l'image a pris quasiment toute la place, sur un tempo vitaminé, saturé d'images façon publicité, qui disqualifiait la réflexion, la mise en perspective de cette période citoyenne majeure.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette transformation de la politique en spectacle.

La politique se met en scène chaque jour. Chaque jour elle passe sur toutes les chaînes et spécialement celles allouées à l'Assemblée et au Sénat. Le fonctionnement même des assemblées s'est adapté au timing médiatique. Les politiques de tous bords courent après la moindre caméra, pour le noble objectif de délivrer le message de leur formation ou pour booster une notoriété en berne, accélérant ainsi leur carrière tant à l'intérieur de leur parti qu'à l'extérieur. Les électeurs sont supposés sensibles à l'image, la visibilité, l'apparence et les critères qu'elles imposent, loin de la réflexion sur les programmes. Et ils le sont, effectivement. Les élus construisent, adaptent et déclinent leur discours, voire leur programme, pour séduire selon les critères de l'image : propositions simples, profilables en formules-chocs et susceptibles de créer une émotion, mieux, un dissensus qui provoquera du débat autour de la mesure. La règle fondamentale étant le principe publicitaire : il est préférable de parler d'un produit, même en mal, plutôt que de le laisser tomber dans l'anonymat. Accessoirement, ces  produits et mousse autour  font glisser dans l'ombre des sujets et des personnes bien plus importants.

Cette mise en scène du politique, quotidiennement répétée, induit logiquement un effet d'habitude. Les citoyens acceptent, voire sollicitent ce type de traitement. A réformes « visibles » répondent des politiques « vus à la télé ». A petites phrases répondent gros débats et inflation de l'image. Les moments forts, par voie de conséquence, concentrent, radicalisent la forme politique spectaculaire. Dynamique et effets se répondent, s'alimentent l'un l'autre et nous sortons à terme du politique pour entrer dans la communication multimédias.

Les français sont irrités par cette dérive, les enquêtes prouvent leur défiance vis-à-vis des médias, leur rejet de la communication politique. Il n'en demeure pas moins qu'ils passent près de 3h30 devant leur téléviseur chaque jour. L'univers qui est le nôtre devient de plus en plus virtuel et nous apprenons littéralement à vivre notre réalité dans les images qu'on nous en donne. La vie devient un véhicule sans objectif et sans autre moteur que l'envie que provoquent des simulations de conduite. Ainsi des valeurs et des idéaux, que nolens volens nous exportons des écrans pour en faire les GPS de nos vies dépourvues de substance.

L'homme étant un être d'affects, la télévision et l'ensemble de l'univers médiatique ne peuvent oublier d'entourer chaque tranche d'image d'émotion. La politique, lieu central et antique du vivre-ensemble - compris comme un choix lucide d'une forme de société réglée - ne peut non plus échapper à cette espèce de transsubstantiation de pixels, d'ondes et de rôles en vie réelle. Mieux, la politique est sommée par ses porteurs et ses diffuseurs de devenir exemplaire de la virtualisation en cours. Elle doit faire événement, stupéfier et sidérer, pour célébrer non les patientes réussites de la raison, mais la victoire magique de l'émotion. Ainsi, les chaînes publiques et privées pourront consacrer la fin de la politique telle qu'elle fut et amplifieront ce mouvement en cours sur toute la planète, qui est celui de l'investissement par l'être humain de l'image, que Wharol désignait peut-être en prophétisant que « dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale ». Autre manière d'affirmer que nous pourrons joindre bientôt la vie et l'image, dans un miroir perpétuel fatalement narcissique, pour le pire des scénarios...

Ce serait peut-être faire l'impasse sur un fait, sans doute moins frappant. L'audience télévisuelle baisse de manière continue depuis l'an 2000, alors qu'elle n'avait fait que croître jusqu'alors. Les jeunes générations passent moins de 2h30 par jour devant le téléviseur.

Si la qualité des programmes n'est sans doute par pour rien dans ce désinvestissement, l'influence des nouvelles modalités du virtuel est à l'évidence un facteur important et croissant dans ce recul de l'audience. Plus particulièrement, l'apparition et le développement des réseaux sociaux qui mobilisent une quantité toujours plus grandes d'internautes. Ce qui n'a pas manqué d'impacter les séquences politiques dernières, événements incandescents et longues maturations aussi bien.

Faut-il pour autant penser que rien de nouveau sous le soleil et qu'un virtuel chasse l'autre ?...


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