Fidèle lecteur du fameux J.D.D. (Journal Du Dimanche, qui a maintenant une première édition le samedi), je me régale chaque semaine avec la chronique d'Anne Roumanoff.
Celle du 18 avril 2010 est particulièrement croustillante, et tellement pertinente !
A savourer sans modération...
Les dix commandements d'une rumeur
1. Tes sources exactes, jamais tu ne citeras.
"On m’a dit que…", "il paraîtrait que…" ou "il y a quelqu’un qui m’a dit que… mais je ne peux pas te dire qui…" suffisent amplement.
La rumeur n’a pas besoin ni d’être exacte ni d’être vérifiée, il ne faut pas confondre une vraie rumeur et une rumeur vraie.
2. Le secret qu’on t’a fait jurer de taire, tu répèteras.
Tout le monde le sait, un secret est une chose que l’on ne confie qu’à une seule personne en lui faisant promettre de ne pas la répéter.
3. Des rumeurs improbables, tu inventeras.
Plus la rumeur est surprenante, plus vous prendrez de l’importance aux yeux de votre interlocuteur.
Voici quelques exemples de rumeurs improbables (je précise que ce sont des rumeurs fictives et que je décline toute responsabilité au cas où elles seraient reprises par un autre média): Nicolas Sarkozy est une femme, Martine Aubry est un homme, Anne Roumanoff a une liaison avec Brad Pitt…
4. A voix basse, tu parleras.
Quand vous colportez une rumeur, prenez un air pénétré et baissez la voix, cela accentuera le côté confidentiel de vos révélations.
N’hésitez pas, au besoin, à amplifier et déformer la rumeur en y ajoutant des détails de votre crû.
5. Toute responsabilité, tu déclineras.
Protégez-vous de tout problème ultérieur en insistant sur ces deux points essentiels:
"Tu ne diras pas que c’est moi qui te l’ai dit";
"Enfin, c’est ce qu’on m’a dit, mais je ne sais pas du tout si c’est vrai."
6. Etonné de rien, tu seras.
Le vrai Parisien ne s’étonne de rien et est au courant de tout.
Si on lui révèle un secret qu’il ignore, il haussera les épaules d’un air las: "On m’a déjà raconté ça dix fois aujourd’hui mais j’ai du mal à le croire" et il s’empressera d’aller le répéter.
La rumeur sert avant tout de faire-valoir à celui qui la raconte.
Moins les gens se sentent importants, plus ils espèrent prendre de l’importance en répandant des rumeurs ayant peu d’importance sur des gens très importants.
7. Une petite pensée, pour les victimes des rumeurs tu auras. En 2010, il n’y a que deux solutions quand on est l’objet de rumeurs: prendre ça de haut avec une philosophie teintée de fatalisme, c’est ce qu’a tenté de faire le président cette semaine en évoquant "ce petit clapotis" qui "n’a aucune importance"; ou bien combattre la rumeur, c’est "la technique Pierre Charron": sous prétexte d’éteindre l’incendie, on rajoute de l’huile sur un feu et on est brûlé par les flammes.
L’époque du "Never complain, never explain" est définitivement révolue.
En 2010, on est à l’époque du "Always complain, always explain".
Les hommes politiques passent tellement de temps à expliquer ce qu’ils vont faire qu’ils n’ont plus le temps d’agir.
De même, on demande si souvent aux acteurs de raconter le film dans lequel ils ont joué qu’on a l’impression de l’avoir déjà vu avant qu’ils ne soit sorti.
8. La rumeur, du potin tu distingueras.
Le potin est croustillant et léger, la rumeur est angoissante.
Un potin peut se transformer en rumeur mais une rumeur ne redeviendra jamais un potin.
Une rumeur vérifiée devient une information et cesse alors de passionner les gens.
La vraie rumeur est souvent invérifiable, c’est ce qui fait tout son charme.
9. Régulièrement, de rumeur tu changeras.
La rumeur passe aussi vite qu’elle lasse, les vrais amateurs de rumeurs le savent bien: les rumeurs germent, éclosent, se propagent puis se fânent sur leur tige.
Les rumeurs naissantes sont le sujet de conversation préféré des Parisiens chics qui s’ennuient dans les dîners mondains.
10. Des réponses à ces questions fondamentales, tu chercheras.
Qui va diriger France Télévisions ?
Pourquoi Benjamin Biolay fait-il toujours la gueule?
Qui va gagner Nouvelle Star, Luce ou Benjamin?
Où est passée Roselyne Bachelot?
Michael Jackson est-il vraiment mort?
Les rumeurs sont le nouvel opium du peuple.
Elles enivrent, anesthésient et permettent d’oublier tout ce à quoi on n’a pas envie de penser: les fins de mois difficiles, les retraites, le chômage…
Les rumeurs du monde sont beaucoup moins drôles que les drôles de rumeurs que l’on répète sans réfléchir.
Médire sur les autres évite aussi de s’interroger sur son propre vide intérieur (c’est une grande amatrice de rumeurs qui vous le dit).
Cette époque manque cruellement de vraie attention aux autres… et ça, hélas, ça n’est pas une rumeur.
Si vous souhaitez découvrir d'autres chroniques d'Anne Roumanoff .. rendez vous sur le site du J.D.D.
Allez, au plaisir de vous lire...