UN MAUPASSANT, EN PASSANT (tome 4, à paraître en juin)

Par Dubruel

LUI ?

Oui,

Voilà,

Je me marrie..

Tu ne comprends pas ?

Tu me crois devenu fou ?

Non. Je n’ai pas changé du tout.

Je suis sûr que huit maris sur dix

Sont cocus ou que leur vie

Se trouve à jamais enlacée.

Àl’amour libre, ils ont renoncé.

Or il ne me parait pas naturel

De couper ainsi

L’aile

À la fantaisie.

Je suis incapable d’aimer une femme

Quand pour toutes les autres je me damne.

L’accouplement légal est une bêtise.

Je voudrais avoir mille bras, mille flancs,

Mille lèvres et mille…tempéraments

Pour étreindre mille femmes exquises.

Tu me prends pour un infâme,

Un misérable

Qui préfère les autres femmes

À celle dont je serai le mari..

Oui, c’est invraisemblable.

Mais je me marrie !

En fait, c’est pour ne plus être seul,

Vois-tuue je me marrie.

Tu me trouves veule ?

Comprends-tu mon état d’esprit ?

Rester seul me fait peur.

J’ai peur de la peur.

Ris si tu veux.

Mais cela est inguérissable, affreux.

J’ai peur du trouble de mes pensées,

De ma raison bouleversée.

J’ai peur

Parce que je ne comprends pas ma peur.

Je parle, j’ai peur de ma voix.

Je marche, j’ai peur de qui est derrière moi.

N’est-ce pas terrible d’être ainsi ?

Autrefois je n’éprouvais rien de ceci.

J’allais et venais sereinement.

Je rentrais tranquillement.

Si autrefois l’on m’avait dit

Qu’une maladie de peur

Devait me saisir à cette heure,

J’aurais bien ri.

Tout a commencé l’année dernière

Et de façon bien singulière

Par un soir humide d’automne,

Après le départ de ma bonne

Je suis sorti

Pour aller voir un ami

…Que je n’ai pas trouvé. J’ai erré

Jusqu’à minuit, puis je suis rentré.

Ma porte habituellement cadenassée,

Je l’ai trouvée juste poussée.

Je jetais un œil

Et je vis dans la seconde

Quelqu’un assis dans mon fauteuil.

Je n’eus pas peur. Pas le moins du monde.

J’ai fait une simple supposition :

Cet homme étant une de mes relations,

La concierge a dû lui ouvrir

Et lui dire :

-« Restez bien au chaud et attendez.

Votre ami ne devrait pas tarder.»

Et puis, il s’était endormi devant mon feu.

On n’y voyait guère dans la pièce.

Je n’aperçus que ses cheveux.

Je me demandais : « Qui est-ce ? »

J’ai voulu le chatouiller

Pour le réveiller.

Personne ! Le fauteuil était vide !

C’était une hallucination stupide !

À part ça, pas de faits anormaux.

Je n’avais aucun trouble côté cerveau.

Mes yeux seuls m’avaient abusé,

Avaient trompé ma pensée.

Tranquillisé, je me suis mis au lit

Et le sommeil m’envahit.

Pourtant, depuis ce jour-là, j’ai peur :

Angoisses, appréhensions, frayeurs…

J’ai beau me raisonner, je n’en peux plus.

Je ne supporte plus la solitude.

Il ne se montrera plus,

C’est une certitude.

Je me suis dit : « Allons, c’est assez ! »

Mais il est toujours dans ma pensée.

Il est derrière la porte, sous le lit,

Dans l’armoire ; il est ici !

Il est là parce que je suis seul,

Uniquement parce que je suis seul !

Mais si nous étions deux chez moi,

Je sens qu’il n’y serait plus. Tu vois ?