Soit 3.984.822 bulletins pour le Front de Gauche sur 35.883.209. Après une semaine de réflexion, c’est à la fois peu eu égard au score du FN (17,90%), celui des sociaux-démocrates (28,63%) et l’espérance suscitée durant toute cette campagne de 1er tour des présidentielles; et beaucoup quand on se remémore que les instituts de sondage créditaient le FdG qui n’a que 3 années d’existence de 3 à 5% d’intentions de vote il y a 4 mois, que c’est la première fois qu’émerge de la gauche anti-libérale trop longtemps divisée et éparpillée un véritable mouvement politique unitaire et structuré (même s’il reste du travail à faire avec le NPA et Lutte Ouvrière), et qu’on garde à l’esprit que la radicalité confine souvent dans un 1er temps ses promoteurs à la marge avant de s’imposer quand les évènements se rappellent au plus grand nombre.
Ca peut sembler décevant quand on sait que vivent en France 8 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté à qui s’adresse directement mais pas exclusivement le FdG, mais c’est significatif quand on observe les réactions de tous ceux dont les privilèges économiques, politiques et financiers sont remis en question (se souvenir, à ce titre et pour toujours, du Monde, de Libération, du Nouvel Observateur, supposés de gauche, et qui n’ont eu de cesse de calomnier et diffamer ceux qui ont eu le tort à leurs yeux de leur rappeler qu’ils se sont perdus dans la grande soupe libérale).
Ca peut sembler décourageant quand l’espace médiatique, seconde peau du système, (re)met au centre du débat en profitant du score du FN dont il se régale des questions aussi dérisoires que l’immigration, la viande halal, le discours rabougri et rance du tout sécuritaire, et l’islamophobie; mais ce serait oublier que grâce au FdG, les vrais sujets de fond, qui ne tarderont pas à revenir dans les mois qui viennent, ont été abordés, d’abord sous les sarcasmes avant d’être repris (dans une version allégée voire cosmétique) par d’autres candidats : la hausse des petits salaires et la limitation des gros revenus au delà de 30.000€, le protectionnisme, le rôle néfaste et mortifère de la finance, la dénonciation du Traité de Lisbonne et de ses conséquences, le devoir pour la BCE de prêter aux Etats au même taux qu’elle prête aux banques, la planification écologique, les exilés fiscaux, la nécessité de donner des papiers à ceux qui sont exploités faute d’en disposer, le retour au CDI comme la norme et la limitation du recours aux CDD…
Alors oui, l’objectif premier de passer devant le FN est manqué, et de loin, mais ne perdons pas de vue que le FdG est un nouveau-né qui porte un programme ambitieux nécessitant, avant que la révolution citoyenne et collective ne se mette en marche, que tous ceux qui ont été poussés à la résignation fassent, individuellement et dans leurs têtes, leur propre révolution. Il est toujours plus facile et payant à court terme de faire appel à la détestation, au repli sur soi, au racisme, à l’égoïsme, à la bêtise et aux mauvais sentiments qu’à la générosité, au partage, à la solidarité entre les peuples et au tempérament en s’arrachant aux humeurs du moment.
Alors non, près de 4 millions de personnes informées, éduquées, conscientes, portant haut les couleurs et les aspirations d’un mouvement humaniste et partageux, ce n’est résolument pas un échec contrairement à ce que la petite médiacratie se complaît à répéter en boucle avec sa morgue habituelle, c’est une victoire en soi, un signe d’espérance, un motif légitime de s’enthousiasmer et non de désespérer.
Tout ne fait que commencer, ce qui a été pris et fait ne pourra nous être enlevé, en route pour les législatives où le vote utile ne pourra pas jouer !
En attendant, l’excellent papier de François Ruffin, du journal Fakir, intitulé “les graines de l’espoir“.