Lors de la première rencontre Obama-Hollande, une convergence de vue s’est manifestée entre les deux présidents en matière de croissance. Alors, la politique de relance des États-Unis : un modèle pour la France ? Certainement pas quand on observe dans le détail les chiffres de l’économie américaine.
Par Loïc Abadie.
Le grand débat actuel sur la croissance en zone euro, entre l’Allemagne centrée sur un semblant de rigueur budgétaire (je dis bien un semblant, parce que les positions allemandes sont en fait simplement en faveur d’une fuite en avant un peu moins rapide dans la dette) et des pays comme la France qui souhaitent relancer la croissance par plus d’emprunts nous vient en fait directement d’un pays, les États-Unis.
Que proposent les partisans de la relance (à commencer par notre nouveau président) ? Tout simplement d’imiter les USA, c’est-à-dire :
- Régler la crise des dettes souveraines en se servant de la BCE pour racheter directement et massivement les dettes des pays les plus fragiles, comme la FED a acheté de la dette US en contribuant au maintien de taux très bas.
- Relancer les économies par encore plus d’emprunts, à l’échelle européenne (eurobonds), ou à l’échelle nationale (rigueur reportée et utilisation des déficits publics), tout comme les États-Unis l’ont fait avec des déficits de l’ordre de 10% du PIB, donc bien supérieurs à ceux de la quasi-totalité des pays européens.
Le principal argument de ce camp qui s’est autoproclamé « défenseur de la croissance » est la réussite apparente des États-Unis. Il est incontestable aujourd’hui que les marchés américains se sont montrés depuis 2009 bien plus solides que les marchés européens (à l’exception notable de l’Allemagne), à la fois sur les marchés des actions, mais aussi sur le marché obligataire, et que le dollar US n’a pas subi d’attaques ou de dévaluations notables.
Il est aussi incontestable que la croissance des États-Unis est en apparence redevenue correcte, avec un PIB qui a dépassé son niveau d’avant-crise.
Mais si on regarde de plus près, au niveau des conséquences pratiques sur la population, on s’aperçoit que cette réussite apparente cache une réalité bien différente.
Des conditions de vie de plus en plus précaires
Les américains sont maintenant obligés de s’endetter avant même leur entrée dans la vie active pour couvrir leurs besoins. Le montant des prêts étudiants a ainsi été multiplié par 4 depuis 2009.
Le nombre de personnes ayant besoin des coupons d’aide alimentaire est passé de 27 millions en 2009 à 47 millions aujourd’hui (les graphiques sont issus de cet article très intéressant de Lance Roberts)
Pas d’emplois, pas de création de richesse pour les ménages
Il n’y a aucune création réelle d’emplois depuis 2009, comme nous le voyons sur ce graphique (ratio population employée / population active). La petite baisse du taux de chômage américain n’est que le résultat d’actifs ayant renoncé à chercher un emploi.
Aucune amélioration du revenu réel par habitant non plus depuis 2010, comme le montre ce graphique de dshort.com
On observe enfin une désépargne de plus en plus généralisée pour les classes pauvres et moyennes qui n’ont plus d’autre moyen pour tenter de s’accrocher à leur niveau de vie : 41,6% des américains aujourd’hui ont moins de 1500$ d’épargne, et 23% n’ont aucune épargne (source).
Pour obtenir ces brillants résultats, la dette publique américaine a augmenté de plus de 4000 milliards de $ en trois ans. Cela signifie aussi que la dette publique par ménage US standard (un couple et deux enfants) a augmenté de plus de 50000$ en trois ans !
C’est toute l’absurdité de ces politiques de relance par la dette qui s’exprime à travers ces chiffres. À court et moyen terme, elles créent un fantôme de croissance qui ne parvient même pas à améliorer la vie ordinaire des citoyens, et à long terme elles entraînent des faillites d’État et des dépressions économiques terribles, comme celle que la Grèce vit aujourd’hui.
Voilà le modèle qui fait aujourd’hui rêver nombre de décideurs et experts européens, mais à laquelle de moins en moins d’américains croient si on se fie à la cote de popularité du président Obama :
En complément :
Source : Chronique de Nicolas Doze sur BFMTV, capté par LibertarienTV.
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Publié initialement sur Objectif Éco.