Ces gens sont éminents. Mais ils ont tort. La France a changé ces dernières décennies. Elle est même méconnaissable. Et sans bain de sang.
Alors qu’elle était centralisée, elle s’est régionalisée. La loi des 35h a produit des gains de productivité équivalents à ceux des réformes Schröder en Allemagne. L’entreprise française, jadis dirigée par l’État, s’est reconstruite sur le modèle américain. Enfin, alors que dans les années 60, nous nous définissions par notre vie privée, aujourd’hui, nous sommes notre emploi.
Et c’est là où l’affaire devient cocasse. Alors que le Français est réputé résister au changement, tous ces changements, qui n’ont rencontré aucune résistance, sont ratés ! La régionalisation plombe le budget de l’État. Les 35h devaient éliminer le chômage, et les réformes Balladur établir nos entreprises sur le modèle allemand. Et tout cela pour éviter, justement, l’aliénation économique de l’homme.
Autrement dit, en voulant défendre le modèle de société auquel nous tenons, l’élite qui nous gouverne a pavé notre enfer de ses bonnes intentions. Elle a réussi des changements ratés !
Comment s’y est-elle pris ? Convaincue de notre innée résistance au changement (notre allant du SDF au patron de multinationale), elle a fait passer ses changements en douce, sans, surtout, nous consulter. Si elle l’avait fait, nous lui aurions expliqué ce qui les condamnait. Mais comment pourrait-elle écouter des inférieurs ?
Compléments :
- CROZIER, Michel, Le phénomène bureaucratique, Seuil, 1971.
- Winock, Michel, La fièvre hexagonale, les grandes crises politiques 1871 – 1968, Points histoire, 2009.
- Sur les changements ratés par la France : Culpepper, Pepper-D, Hall, Peter-A, Palier Bruno, La France en mutation, 1980 – 2005, Presses de la fondation nationale des Sciences politiques, 2006.
- Sur les gains de productivité de la réforme des 35h : Chanut, Jean-Christophe Où le travail coûte-t-il vraiment plus cher... en France ou en Allemagne ? La Tribune, 22 février 2012.