L'ADEB, l'Association de défense des éleveurs de Basabürüa (Soule) veille sur les "bergers"
L'association ADEB a du naître un peu avant juillet 2005. Je n'ai pas la date exacte.
En 1780, autour de Sainte-Engrâce, les habitants sont convaincus de la présence énigmatique d'un homme sauvage, velu comme un ours, dans les forêts voisines. Craignant pour la stabilité sociale de la région, le gouverneur fait missionner par le roi, un naturaliste de renom pour éclaircir ce mystère. Le scientifique se retrouve confronté à une population superstitieuse et mystérieuse mais devra néanmoins apporter une explication rationnelle à l'existence de ce « Xan de l'ours ».
En août 2006, je publiais à La Buvette une note sur un recueil de chroniques de Laurent Caudine intitulé «Pensements, chroniques et nouvelles de Soule et d'ailleurs». Laurent Caudine m'écrivait : "Enfin les élus de Basabürüa ont un vrai cheval de bataille. Tiens ! Devinette ! De quoi je veux causer à votre avis ? En fait ce n’est pas un cheval, il est poilu comme lui, mais il est plus libre. Son indépendance a valu à notre animal mystère sa quasi disparition (car l’humain aime la nature uniquement si elle est sous son joug, le reste peut crever). …/… Je ne m’attendais pas à ce que les élus de Haute Soule expriment leur désarroi face à la mort de Cannelle. Mais lorsque j’apprends qu’ils préparent une association contre la réintroduction du plantigrade, les bras m’en tombent. " C'est de l'ADEB qu'il s'agit.
J'avoue que je n'avais pas suivi l'affaire et que ni cette association, ni ses oeuvres ne m'ont marqué. Une petite recherche s'imposait.
Les "bergers" contre l’ours
Juillet 2005. Dans le n°154 de Ixtorio, je cite : « Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt ». L’association de défense des éleveurs de Basabürüa vient de confirmer ce proverbe de façon caricaturale. En effet, cette nouvelle association s’est fixé deux objectifs:
- Le premier est « de promouvoir l’image d’une activité pastorale vivante, par la pratique de traditions ancestrales »,
- le second, « de s’opposer fermement à toute réimplantation de grands prédateurs ».
Dans un communiqué, la nouvelle association précise en substance que « le pastoralisme n’a pu se pérenniser que grâce à l’éradication complète et de longue date des espèces menaçantes… et que la cohabitation est impossible entre humain et grands prédateurs ». Le journal de l'amicale des basques de Pau ajoute : "Une prise de position qui semble en désaccord avec la majorité des habitants du département qui, selon l’association Larra-Belagua, se seraient prononcé à plus de 70 % en faveur de la réintroduction."
Dans le journal du Pays basque, on apprend que l'ADEB participe à des rassemblement anti-ours à Bielle et à Foix : rien de bien original. A l'époque, l'association de défense des éleveurs de Basabüria multiplie les déclarations en vue de répendre la terreur sur la Soule :
- "Il est démentiel et irresponsable de laisser croire comme certains syndicats ont osé le prétendre que ce n’est pas la présence ou non de l’ours qui fragilise l’agriculture de montagne". Vu le nombre d'ours en Soule, j'imagine que le pastoralisme est maintenent sorti de sa fragilité.
- L'ADEB dénonce "l’irresponsabilité des décideurs de réintroduction de plantigrades qui aujourd’hui s’attaquent à nos animaux et à notre raison d’être mais demain, à défaut de bergers, donc de nourriture, entameront la chair humaine".
- "Même si les souffrances de nos animaux n’émeuvent personne face à la fallacieuse image de l’ours protecteur véhiculé par certains, n’oubliez pas qu’un jour, une fois anéantie toute culture pastorale, les ours descendront dans les zones habitées", prévient l’ADEB.
Le journal Sud Ouest (repris par Louis Dollo sur Pyrénées-pyréniais) écrit que "les élus de la Communauté de communes de Soule ont adopté à l'unanimité une motion qui demande que les territoires de Larrau et de Sainte-Engrâce ne soient plus considérés comme zones de divagation de l'ours." Le conseiller général Michel Arhancet explique pourquoi : « Nous avons en Soule un mode de gestion particulier du pastoralisme. Les bovins, les chevaux et les brebis taries sont laissés sans gardiennage. Ce ne serait plus possible avec l'ours à proximité. Ce mode de fonctionnement serait déstabilisé. » Il ne s'agit donc pas de bergers, mais d'éleveurs qui ne visitent leurs bêtes que de temps à autre...
En mars 2010, un bloggeur fait état d’un vent debout contre l’ours à Larrau et d’élus souletins qui ont peur de l’ours.
En février 2011, Le journal du pays basque fait état de l’opposition à l’ours à Larrau.
Les "bergers" contre Natura 2000 et les parcs
En mars 2011, la République des Pyrénées relate l'assemblée générale de l'Association de défense des éleveurs de Basabürüa où les éleveurs s'en prennent à Natura 2000, en présence de... Jean Lassalle (venu "partager son expérience" et rappeler que « l'argent servirait d'appât ») et de Jean-Pierre Pommiès (celui qui aux automnales du Pays de l'ours me menaçait en déclarant que "les sentiers étaient étroits et que s'il m'arrivait de le croiser, je pourrais faire une chute malencontreuse"). Le maire de Larrau, Sébastien Uthurriague "conscient du danger" est adepte de métaphores culinaires : « On est en sandwich entre le parc des Pyrénées et un parc qui se créé côté espagnol. Et quand on est en sandwich, on se fait manger! ».
Le sandwich aux fourmis : un des plats préférés de l'ours (Dessin Ours Ariège).
Mathieu Krammer écrit sur son blog : « En août 2009, un ours fréquente la Haute Soule, sur la commune de Saint-Engrâce, dans les Pyrénées atlantiques, entre le Haut Béarn et le Pays Basque, où il a causé quelques dégâts sur les troupeaux. La Haute Soule, à l'ouest du Haut Béarn, n'est plus occupée de façon permanente par l'ours depuis le début des années 1980. Toutefois, depuis 5 ou 6 ans, on note des incursions épisodiques (c'était par exemple le cas de Camille en 2003), sans dégâts toutefois jusqu'à l'année dernière, sans plus nombreuses du fait de l'éclatement du noyau occidental lié à l'absence de femelles depuis 2004 (les mâles sont plus mobiles, à la recherche d'hypothétiques femelles).»
Les "bergers" contre les vautours
2012 - Lors du compte-rendu annuel de l'assemblée générale de l'Association de défense des éleveurs de Basabüria (ADEB), la République des Pyrénées ne s'y trompe pas : "Si, depuis sa création, c'est l'ours qui avait été au coeur des débats de l'association des éleveurs de Basabüria (Adeb), il a trouvé un remplaçant cette année : le vautour." Fautes d'ours, l'ADEB mange du vautour, en désirant du blé : « les solutions restent à trouver, à commencer par la mise en place d'une indemnisation en cas de perte due aux vautours ».
Il semble bien que pour les "bergers" de la Soule, il soit aussi "démentiel et irresponsable de laisser croire comme certains syndicats ont osé le prétendre que ce n’est pas la présence ou non des vautours qui fragilise l’agriculture de montagne".
Le journal poursuit : "Les élus présents reconnaissaient l'étendue du problème à l'image d'un... Jean Lassalle qui dénonçait « ce cas très grave de déni, à tel point que des éleveurs n'osent pas déclarer les attaques de vautours pour ne pas être ridiculisés ou pris pour des menteurs !». Jean Lassalle, est un vrai « prosélyte » : après le scandale de la gestion de l'ours par l'IPHB, on le retrouve partout y compris à Marseille où il prêche contre le Parc National des Calanques.
Les bergers de l'ADEB semblent nostalgiques. L'Ours n'est plus là, mais ils gardent espoir : "Des traces auraient été trouvées du côté d'Izaba". Le mythe de l'ours est bien vivant...
Gérard Caussimont : "Le mythe sert à contrôler la conduite de la société, canalisant l'agressivité et les pulsions des éléments mâles dans un combat dépourvu de tout danger pour la pérennité du système social traditionnel et offrant même l'avantage de renforcer le sentiment communautaire. Peut-être faut-il y voir une première perception inconsciente du danger « d'assimilation» par un autre système de société. L’individualité va donc retrouver un sens dans le groupe au sein duquel vont se révéler une série de valeurs guerrières propres à l'élément mâle. Ces témoignages sont en effet truffés de concepts exaltant les valeurs martiales: le courage, l'héroïsme, le sacrifice et même le triomphe, au sens romain du terme, de termes carrément militaires et même de références au passé combattant des chasseurs d'ours."
Le journaliste le démontre dans son récit de l'AG : "Pendant toute la soirée, l'ours pouvait croire que les éleveurs l'avaient oublié. Mais ce n'était qu'un répit : « Il n'y a pas eu de réintroduction grâce à notre mobilisation et à la période électorale, estimait Alain Iriart, président de l'ADEB. Mais maintenant que les élections sont bientôt terminées, il va falloir rester vigilants ». Les bergers n'oublient pas le mythe. L'ours est instrumentalisé pour fédérer une profession....,
"Comme disait Jean Pitrau, soit on se révolte soit on fout le camp" alors on se révolte : ours, natura 2000, vautours... peu importe la raison. Et comme il faut continuer à tenir malgré tout ce qui "fragilise l’agriculture de montagne", l'assemblée se termine sur un appel à la motivation du président : "Mais maintenant que les élections sont bientôt terminées, il va falloir rester vigilants ».
L'ADEB veille sur le pastoralisme...