"L’intérêt individuel ne coïncide pas avec l’intérêt général"

Publié le 22 mai 2012 par Vincentpaes


Christopher Wasserman , fondateur du Zermatt Summit et président-Fondateur de TeroLab Surface Group, un des premiers acteurs européens dans la technologie de revêtement de surface.

Économie et société : Quel est l’objectif du Zermatt Summit ?

Christopher Wasserman : Cet événement, initiateur de changements, est une plateforme de discussion entre individus déjà très engagés et convaincus que le modèle économique mondial doit être repensé. Ce rendez-vous mise sur les réflexions, les débats, les ateliers et les échanges stimulés sur trois jours afin de s’interroger sur les voies et les moyens de parvenir à une forme plus humaine de mondialisation, un système où la finance serait au service de l’économie et l’économie au service du bien commun et donc de la personne humaine.

Le but du Zermatt Summit est donc de formuler des recommandations, d’initier des projets, de donner corps à des idées, de présenter des publications et de proposer des programmes de formations (training programs) allant dans ce sens. Nous les dirigeants d’entreprise sommes inquiets de cette crise mondiale et avons des solutions pratiques à proposer.

La crise mondiale est une crise systémique qui concerne la société tout entière. Elle est révélatrice du profond dysfonctionnement de tout un système. Le modèle actuel de développement économique génère de plus en plus de richesses, mais à quel prix ? Le système assure la croissance, mais il pollue, exclut, favorise la domination et l’injustice sociale. Il faut explorer de nouvelles pistes et non simplement imposer de nouvelles règles ou des refinancements massifs. La Fondation Zermatt vise les dirigeants de PME mais aussi de grands groupes qui ont la responsabilité sociétale et environnementale et qui détiennent le pouvoir de changer la culture d’entreprises.

Économie et société : Pourquoi avoir choisi cette année la thématique du bien commun ?

C. W. : Tout simplement car le bien commun est la pierre angulaire du projet Zermatt. Peut-on accepter une économie sans croissance ? Peut-on accepter que les jeunes diplômes ou après leur apprentissage ne trouvent pas de travail ? Peut-on accepter que le taux de chômage augmente sans cesse ? Peut on vivre avec des dettes qui pèsent sur la prochaine génération et de ne plus pouvoir payer les retraites ? La réponse à toutes ces questions est bien sûr non.

À l’heure d’une crise de civilisation, d’une crise mondiale sans précédent, (les peuples se révoltent et exigent des régimes politiques plus juste : printemps arabe, mouvement des indignés, Occupy Wall Street) il est indispensable de repenser la place de la personne humaine en la plaçant au centre de notre système économique et de la globalisation.

"Le bien commun rejette l’individualisme et le collectivisme"

L'année 2012 sera marquée, notamment, par un nouveau sentiment d'urgence concernant le développement durable et le destin de l'humanité à travers des conférences sur le climat comme Rio+20 et COP18 et, en particulier, par le plus grand changement jamais observé de leaders mondiaux, avec plus de 70 élections majeures à travers le monde. Comment pouvons-nous alors utiliser notre engagement pour le bien commun afin d’aider les affaires du monde de manière mesurable et orienté vers l’humain ? Cette réflexion est intrinsèque au projet du Zermatt Summit et portée par tous les fondateurs et les participants.

Économie et société : Comment définiriez-vous cette notion ?

Christopher Wasserman, fondateur du Zermatt Summit C. W. : La notion de bien commun est complexe à définir, mais essentielle à diffuser. Ce n’est pas juste le bien vivre ensemble, c’est un chemin qui vise à constituer une communauté humaine pour permettre a chacun d’aller au bout de lui-même. Il tient compte du bien de toute la communauté sans exclure le bien de chacun et de la personne humaine dans sa globalité (en intégrant les valeurs matérielles et spirituelles). Il rejette l’individualisme et le collectivisme.

Le bien commun est d’autant plus nécessaire que des approches scientifiques (équilibre de Nash) et des expériences pratiques (crise des surprimes) ont démontré que la poursuite de l’intérêt individuel ne coïncide pas avec l’intérêt général. Les démocraties ont ainsi réussi à opposer le collectif à l’individuel. Ce qui a poussé l’individu à réagir pour exister face au collectif et donc engendrer la société égocentrée que nous connaissons aujourd’hui. Chacun est appelé a voir dans le bien d’autrui son bien propre.

Économie et société : Comment peut-on appliquer ce concept au sein de l’entreprise ?

C. W. : Il faut remettre en cause le paradigme dominant que la raison d’être de l’entreprise ou sa seule responsabilité est de maximiser la rentabilité au profit de l’actionnaire. Au contraire, l’entreprise a un rôle plus large puisqu’elle amène un progrès économique, technique et social. La responsabilité sociale est l’intégration d’objectifs sociaux, sociétaux, environnementaux et économiques dans le cœur de métier et la stratégie de l’entreprise.

Pour reformer l’entreprise et la mettre au service du Bien Commun, un nouvel équilibre entre le leadership (le dirigeant serviteur), l’entrepreneurship responsable (qui pense au plus fragiles) et le statesmanship (l’entreprise citoyenne) est nécessaire. Il existe une marge énorme de progression dans les entreprises traditionnelles si elles combinent performance économiques et respect de la personne humaine. Il existe des entreprises familiales, leaders mondiaux dans leurs secteurs, qui appliquent la responsabilité sociale depuis plusieurs générations. Victorinox, leader mondial des couteaux de poche, situe en Suisse, malgré une baisse importante de son activité en 2001, a réussi à maintenir ses effectifs par des méthodes créatives (offrir des services à l’extérieur de l’entreprise avec les compétences de ces collaborateurs par exemple) grâce à une confiance mutuelle. Il existe aussi de nouveaux modèles d’entreprise tels que les entrepreneurs sociaux qui ont crée des emplois ici en Europe et dans le monde.

Économie et société : Quel est le rôle et l’impact de ce sommet au niveau de la politique internationale ?

C. W. : Le point fort de la troisième édition du Zermatt Summit sera le lancement d’une Déclaration de Zermatt sur le bien commun qui résume notre vision de l’ordre social. Cette Déclaration sera ensuite présentée à de hautes personnalités politiques, aux instances gouvernementales, aux organisations patronales et syndicales, aux ONG etc… Nous avons la volonté de faire bouger les choses.