L’incident concernant Le lutin chanceux du site EspaceJeux a d’abord été expliqué (voir article), par Loto-Québec, comme étant le fruit de l’imagination de madame Plamondon, puis comme pouvant être un dysfonctionnement de son ordinateur personnel puisque l’ordinateur central ne conserve la trace que d’un gain qui est moindre ($20) que le lot progressif ($296000). Loto-Québec semble admettre que l’image de l’arc-en-ciel gagnant serait apparue en arrière-plan à l’écran de madame Plamondon, mais que le message de gain indiquait seulement 20 dollars. Cet événement rappelle un brevet qui illustre le genre de contorsions logicielles auxquelles certains fabricants de jeu se livrent, et qui posent autant de risques de s’enfarger.
Mentionnons d’abord que le jeu Le lutin chanceux (Leprechaun's Luck) est un produit de la compagnie Ash Gaming, une compagnie indiquant appartenir à PlayTech … un des principaux fournisseurs de jeu en ligne dont Loto-Québec, et le gouvernement du Québec, doutent de l’intégrité quand le produit est sur un site offshore, mais pas quand le produit est installé sur la plateforme de Loto-Québec.
Le brevet, que je vous présente, est plutôt de Spielo (GTech). Mais, en prendre connaissance peut aider à mieux contextualiser l’incident dont se plaint madame Plamondon … et surtout à déterminer qui ne devrait pas examiner ce dossier.
Ce brevet (US 2010/0120492 A1), publié le 13 mai 2010, s’intitule Enhancing win outcome display with fictitious losses; ce qui peut se traduire par Majorer l’affichage des gains par des pertes fictives. En 2010, j’ai été vérifier si ce jeu était offert sur les appareils de loterie vidéo (ALV) de Loto-Québec. Il l’était, mais sans l’innovation présentée dans ce brevet. Ce n’est cependant pas ce qui nous intéresse ici. On s’intéresse plutôt à la mentalité des développeurs de jeu … de ce qu’ils considèrent comme licite.
Au paragraphe 0020, les concepteurs situent leur invention dans un contexte qui a de bonnes raisons d’attirer l’attention de n’importe quel spécialiste du jeu pathologique :
C’est difficile de traduire le mot rogue. Disons qu’on planifie d’instaurer chez le joueur l’idée que l’appareil, contenant le jeu, se comporte d’une manière friponne en distribuant des gains ou des bonus d’une manière mystérieuse. Les concepteurs apparaissent vouloir jouer sur l’impression qu’il existe un dysfonctionnement dans le jeu, une idée à laquelle s’accroche typiquement l’illusion de contrôle. Certes, les concepteurs énoncent prendre la précaution d’éviter les fausses représentations.
Au paragraphe 0048, les concepteurs indiquent majorer l’annonce d’un gain en présentant d’abord une configuration de résultats associée à une perte ou à un gain de moindre importance, avant de modifier le résultat pour finalement annoncer un gain ou un gain plus important. À noter que les moyens utilisés englobent la possibilité de simuler un mauvais fonctionnement de l’appareil. Dans cet extrait, les nombres en caractères gras réfèrent à des parties de figure décrivant le brevet.
Au paragraphe 0053, on répète with sound effects simulating a mechanical machine failure.
Dans le long paragraphe 0065, à partir du texte FIG. 6D, on indique qu’un moyen de majorer l’affichage du gain n’est pas nécessairement de modifier la configuration visible des résultats mais d’annoncer un gain qui est différent de celui qu’on voit en arrière-plan.
Pour vérifier ce qui est survenu sur l’ordinateur de madame Plamondon, il faut examiner tous les algorithmes d’annonce des résultats. Est-ce que ces algorithmes niaisent avec les résultats comme la stratégie proposée dans ce brevet? Si oui, est-ce que le système central a planté entre deux étapes?
Il n’y a encore pas si longtemps, cet événement aurait été investigué par le laboratoire d’expertise judiciaire du Québec, une composante du ministère de la Sécurité publique. Aujourd’hui, il est à craindre que le dossier prenne la direction de la World Lotteries Association (WLA) à qui Loto-Québec demande d’émettre ses certificats de sécurité (voir au bas de la page 13 - Sécurité des opérations).
À ce sujet, il est pertinent de rappeler que PlayTech est un membre associé de la WLA, et que GTech est un contributeur platine au financement de la WLA. Manifestement, pour Loto-Québec, cela risque d’être difficile de convaincre de l’impartialité de l’examen du dossier de madame Plamondon.
Photo : extrait du démo sur YouTube (Ash Gaming)