Au lendemain de la perte de JP Morgan, le débat sur la mise en œuvre de la « Volcker rule » est relancé outre-Atlantique. Rappelons que cette règle, dont l’objectif est d’interdire les activités de trading pour compte propre (« prop trading »), est la mesure phare du plan de réforme du système bancaire aux États-Unis (Dodd-Frank Act). La
perte de JP Morgan est imputable au Chief Investment Office, en charge de placer les excédents de trésorerie et qui a pris des positions très importantes sur des dérivés de crédit.
Ainsi, le débat est biaisé et on cherche à appliquer aux mauvais maux les mauvais remèdes. En effet, le département incriminé, Chief Investment Office (CIO), était en charge de la stratégie de couverture de la banque et les positions prises relevaient de l’application de cette stratégie pour couvrir le risque sur le portefeuille de crédits de JP Morgan. La règle Volcker, si elle avait été déjà en vigueur, n’aurait donc rien changé car ces activités auraient toujours été parfaitement tolérées puisqu’il ne s’agit pas de trading pour compte propre.
Mes propos ne cherchent pas à masquer ou à minimiser l’erreur commise par le géant américain – car il s’agit bien d’une erreur – mais simplement à recentrer le débat. A mon sens, cette perte illustre l’inefficacité d’une mesure d’interdiction, là où les mesures de régulation, basées sur une politique de contrôle des risques pointue, ont montré toute leur efficacité en Europe.
En effet, la VAR (« value at risk ») du département avait presque doublé au cours du dernier trimestre, passant de 67 millions de dollars à 129 millions. La « VAR » permet de mesurer la perte maximum que pourrait subir la banque par rapport à une exposition. Cet indicateur est suivi en Europe dans le cadre de la réglementation de Bâle. Ainsi les activités de couverture ou de trading pour compte propre ne sont pas interdites mais imposent aux banques une réserve en capital adéquate par rapport au montant de l’exposition. Il ne s’agit pas d’interdiction mais de régulation. Les banques étant contraintes d’ajuster le niveau de leurs expositions au montant de capital qu’elles peuvent allouer à chaque activité.
En France, alors que le nouveau président s’apprête à annoncer des réformes importantes dans le monde de la finance, il ne fait aucun doute que cette nouvelle va étayer les tentations extrémistes sur la régulation financière au prétexte de protéger le contribuable contre les excès de la finance. Arrêtons tout de suite les fantasmes, JP Morgan ne laisse pas une facture de 2 milliards de dollars aux contribuables mais réduit ses excédents de trésorerie et donc ses résultats d’autant.
Enfin, certains vont tenter de récupérer l’événement pour prôner la séparation de la banque commerciale et de la banque d’investissement, arguant la protection de l’épargnant contre les pertes de la banque de financement et d’investissement (BFI). Là aussi le débat est erroné. Les activités qui ont généré la perte de JP Morgan ne relèvent pas de la BFI mais du département de gestion de la trésorerie centrale. Un découpage à la mode Vickers en Grande-Bretagne aurait donc laissé ces positions du côté de la « ring fenced bank ». C’est-à-dire de la banque commerciale, qui reçoit vos dépôts !
Et pour ceux qui voudraient donner des leçons à la française, rappelons que la facture de la banque Emporiki s’élève à plus de 6 milliards d’euros pour le Crédit Agricole, sur des activités de banque de détail pures, bien loin des produits dérivés et autres activités de marché. La régulation bancaire est donc un long chemin et il faut se méfier des raccourcis dictés par l’actualité.
20120518_Les Echos_Les leçons de l’affaire JP MorganTags :