2035. L'Amérique a beaucoup changé. Le Monde aussi. Nick Bottom, un ancien policier de Denver, à peu près ruiné, et qui vit d'allocations sociales, comme la plupart des Américains, est engagé par le multimilliardaire japonais Hiroshi Nakamura pour reprendre l'enquête sur l'assassinat de son fils Keigo et de la compagne de celui-ci, survenu six ans plus tôt.
Nick a enquêté à l'époque sur cette affaire mais depuis la mort de sa femme, Dara, dans un accident de voiture, il a quitté la police parce qu'il est devenu accro au flashback, une drogue illégale, réputée avoir été inventée dans un laboratoire israélien. Le flashback permet de revivre des souvenirs parfaits (en ce qui concerne Nick ceux de sa vie avec Dara, qui était policière comme lui).
Toute l'Amérique s'adonne au flashback : c'est pour les plus jeunes le moyen de revivre leurs pires turpitudes et pour les plus vieux celui de retourner dans le monde idéal d'autrefois. Car l'Amérique, en faillite financière, politique et morale, s'est désintégrée. Le Nouveau Mexique a été envahi par les hispaniques de la reconquista et la Californie risque de l'être. Plusieurs États ont proclamé leur indépendance. Par ailleurs, la Chine a éclaté en Royaumes Combattants et des troupes américaines mercenaires y mènent comme en Inde des guerres de pacification sans espoir pour le compte du Japon néo-féodal. Israël a été détruit par onze bombes thermonucléaires et les quelques dizaines de milliers de survivants, accueillis par les États-Unis, ont été parqués dans des camps. Et surtout le Califat Global étend son emprise totalitaire sur l'ensemble de la planète...
Dans ce contexte Nakamura tire son pouvoir non seulement de son immense fortune mais aussi de son rôle de conseiller plénipotentiaire (parmi d'autres) pour la reconstruction de l'Amérique, qui lui confère une autorité presque illimitée. Mais pourquoi tient-il tant à ce que Nick refasse une enquête qui n'a rien donné six ans plus tôt ?
Dan Simmons est un auteur qui a démontré son talent d'écrivain dans des genres littéraires variés : après Hypérion en SF, l’Échiquier du Mal en fantastique, Terreur en horreur, puis Drood en thriller, l'auteur s'essaye à un mélange de SF et de thriller avec Flashback.
Dans ce nouveau roman, Dan Simmons s'inspire de tendances existantes et les pousse à leur paroxysme. Dans ce monde désabusé, c'est d'ailleurs la crise de 2007 qui a constitué l'une des grandes étapes dans la déchéance de l'Amérique, puis du reste du monde. Entre la faillite des États, les guerres nucléaires et la montée de l'Islam, désormais grande puissance mondiale (le Califat), il y a de quoi avoir peur... Sans compter que le Japon est dominé par de grands conglomérats qui fonctionnent sur l'ancien système féodal du pays, avec samouraï et ninjas, tous engagés dans la volonté de conquête de leurs dirigeants. Ces quelques mots ne donnent qu'un bref aperçu du monde développé par l'auteur, et qu'il a doté de problématiques et de logiques à la fois économiques et géopolitiques : aussi complexe que ce qu'on peut trouver dans la réalité !
Autant dire que cet aspect du livre m'a souvent perdue... L'idée de fond est bien sûr intéressante, car l'auteur utilise des tendances déjà existantes actuellement pour les pousser à l'extrême. D'où ce monde totalement anarchique, où la loi de la jungle semble régner au milieu du pessimisme ambiant. Tous les détails fournis sur l'économie et la géopolitique font aussi l'intérêt du livre, mais pour moi c'était un peu trop. Cet aspect m'a donc parfois ennuyé. D'autant plus qu'on ressent très nettement que l'auteur utilise son histoire comme un prétexte pour exprimer certaines de ses idées, et celles-ci ne sont clairement pas partagées par tout le monde... Elles ont d'ailleurs choqué de nombreux américains, entre autres les idées réactionnaires (on comprend par exemple très clairement que Simmons est contre la politique d'aides sociales voulue par Obama, mais d'autres critiques sont bien plus radicales, voire racistes...)
Ayant lu plusieurs critiques littéraires US sur ce livre, j'y étais préparée, et j'avoue m'être peu attardée sur cet aspect du livre, même si parfois, on ne peux vraiment pas passer à côté ! Je me suis bien plus attachée à saisir l'atmosphère globale du livre, mélange de désespoir et de folie dans un monde désabusé. Car ce monde est véritablement dément, et m'a souvent mis mal à l'aise. C'est à se demander si l'auteur n'est pas profondément pessimiste.
L'élément central de l'histoire est celui qu m'a véritablement fasciné : le flashback, qui permet de revivre des moments choisis de son passé. Cette substance est devenue une drogue consommée par beaucoup d'américains, et le personnage principal y est accro. C'est cette drogue qui amène les éléments les plus intéressants du livre, aussi bien au niveau de l'univers que de l'intrigue.
Celle-ci est d'ailleurs bien ficelée, avec une réelle montée en puissance au fil des pages. Ce qui fait que malgré ma difficulté à accrocher à certains passages (notamment sur les détails géopolitiques etc.), j'ai toujours eu cette envie d'aller plus loin dans l"'histoire, une envie qui n'a cessé de me tenailler tout au long de la lecture, jusqu'à la toute fin.
Fin qui m'a bien plu au passage, et qui reste ouverte, comme je les aime. Même si elle est flippante et me laisse une fois de plus sur une impression de profond pessismisme de la part de l'auteur...
Au niveau des personnages, je dois dire qu'ils sont tous bien construits, leur psychologie est fouillée et la mise en perspective de trois générations différente d'une même famille apporte un élément intéressant au récit. Malgré cela j'avoue avoir eu du mal à m'attacher à eux.
Un livre intéressant de part son univers recherché : l'auteur s'attache à utiliser des tendances actuellement existantes et les pousse à leur paroxysme afin de créer un monde totalement anarchique, teinté de désespoir, dans lequel la civilisation humaine semble avancer inexorablement sur le chemin de la déchéance...
L'invention du flashback, drogue permettant de revivre des moments choisis de son passé, est l'une des grandes trouvailles de l'auteur et a grandement participé à mon intérêt pour ce livre.
Malgré les idées réactionnaires voire racistes véhiculées par le livre, je suis passée outre afin de me concentrer sur l'enquête menée par Nick Bottom. Un intrigue qui monte en puissance au fil des pages, jusqu'à se terminer sur une fin ouverte.
Un bon roman donc, mais dont certains aspects m'ont déplu : des intrigues géopolitiques trop présentes, un monde angoissant qui m'a parfois mise mal à l'aise, sans oublier les idées parfois choquantes, souvent pessimistes véhiculées par le livre.
Tous ces points en font un livre qui, au final, m'a parfois ennuyé, parfois intéressé, souvent mise mal à l'aise. A vous de voir si vous voulez tenter l'aventure !