L’écrivain de la famille de Grégoire Delacourt

Édouard, notre narrateur, sept ans, écrit quelques vers enfantins, ses parents évidemment ébahis, un don de son grand-père, en quatre rimes pauvres : j’étais devenu l’écrivain de la famille. À huit ans, je n’avais plus rien à écrire.

À l’aube de mon dixième anniversaire, mes parents se réunirent en conclave.  Un jour et une nuit durant, les volutes des Gitanes de l’un se mêlèrent à celles des Royale Menthol de l’autre dans un brouillard criminel. Mon frère, ma sœur et moi tout ce temps derrière la porte du salon, eûmes les yeux rouges des toxicomanes, le ventre affamé des condamnés en attendant le verdict. Un jour nouveau allait naître. Édouard va aller en pension. Mes mots n’y purent rien. Ni les gros, les petits. Ni les colériques, les sucrés, les mielleux et les fielleux.

Édouard nous raconte ses décennies 70, 80 et 90, son mariage avec sa colocataire, la lente dissolution de sa famille, son père, affectueusement nommé Dumbo, souffrant d’un Alzheimer précoce, sa mère volage, son frère handicapé mental, et la maternité de sa sœur Claire.  «Ce temps où chacun de nous allait avoir une jolie vie. Notre mère serait heureuse pour le restant de ses jours. Je serais écrivain. Notre frère serait un ange. Claire une princesse, et Dumbo parmi nous».

Je devais être écrivain, c’était mon destin. Celui que l’émerveillement niais avait tracé.

Grégoire Delacourt est né en 1960, est aujourd’hui publicitaire, fait la promotion de tout ce qui rend les gens gros, mortels et prodigieusement heureux. L’écrivain de la famille est son premier roman. Un regard très humoristique à faire rire aux éclats, attendrissant à pleurer, une écriture concise, attachante, audacieuse. Un roman qui se laisse dévorer et malheureusement beaucoup, fait rarissime, trop court.