Un Think Tank, dont les arguments sont repris en choeur par les médias, Foraus, Forum de politique étrangère, est à la pointe du combat contre cette initiative sur laquelle le peuple suisse votera le 17 juin 2012 [la photo provient d'ici]. Il a publié une étude sur le sujet, à laquelle se réfèrent doctement les opposants ici.
Que prévoit cette initiative?
L'extension du référendum obligatoire à quatre catégories de traités internationaux:
Ceux qui:
"1. entraînent une unification multilatérale du droit dans des domaines importants;
2. obligent la Suisse à reprendre de futures dispositions fixant des règles de droit dans des domaines importants;
3. délèguent des compétences juridictionnelles à des institutions étrangères ou internationales dans des domaines importants;
4. entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus d'un milliard de francs, ou de nouvelles dépenses récurrentes de plus de 100 millions de francs."
La différence entre référendum facultatif et référendum obligatoire est de taille. Dans le premier cas, seule la majorité du peuple est requise, dans le second les majorités du peuple et des cantons sont nécessaires pour que l'objet soit adopté.
Pour définir les "domaines importants", les initiants font référence à l'interprétation qui est faite habituellement des "dispositions importantes" dont parle l'article 164, al.1 de la Constitution fédérale en matière de règles de droit.
L'étude de Foraus qualifie cette initiative de superflue, puisque, selon elle, le Conseil fédéral et le Parlement sont des contrôles démocratiques suffisants, et de coûteuse, puisque, d'après ses calculs il en coûterait en moyenne 23 millions de francs annuels. De plus cette initiative ne renforcerait pas la démocratie, mais le pouvoir des petits cantons et affaiblirait la position négociatrice de la Suisse.
Superflue?
A l'appui de cette assertion les rédacteurs de Foraus ont calculé qu'en 90 ans, de 1921 à 2011, 296 traités internationaux auraient pu être soumis au référendum facultatif, mais que 10 seulement l'ont été et que 2 seulement ont vu le non l'emporter.
Ce peu de succès voudrait dire que les traités internationaux étaient légitimes puisque non contestés. L'argument est spécieux. En effet pour lancer un référendum facultatif, il faut réunir aujourd'hui 50'000 signatures, ce qui demande de l'organisation et de l'argent, d'autant que le délai est court, 100 jours. Ce qui est un frein indéniable et souvent justifié.
Coûteuse?
Toujours suivant les calculs figurant dans l'étude de Foraus, de 1921 à 1980, si les dispositions de l'initiative avaient été en vigueur, "21 objets supplémentaires auraient été soumis au vote populaire", tandis que de 1981 à 2011, "les traités multilatéraux ont gagné en importance": "Entre 2001 et 2011, cela représenterait 77 votations".
De ces 77 votations "dans des domaines importants" au cours des 10 dernières années, l'étude de Foraus conclut que cela conduirait à 8 votations supplémentaires par an, qui coûteraient selon ses calculs en moyenne 23 millions de francs. Ces chiffres sont sujets à caution: le Conseil fédéral est arrivé à 3 votations annuelles supplémentaires...
Même en reprenant le coût moyen annuel contestable de 23 millions de francs, il faut relativiser ce coût. Il y a un peu plus de 5 millions d'électeurs inscrits en Suisse. Le coût supplémentaire serait donc de l'ordre de 4,50 francs par an et par électeur inscrit. Une fortune...
Or ce qui justifie l'initiative aux yeux de ses promoteurs, c'est justement l'inflation des traités internationaux qui passent comme un paquet à la poste sans que le peuple n'ait son mot à dire sur les détails qui le composent, alors qu'ils ont souvent de l'importance, mais sont noyés dans la masse, comme les lignes en petits caractères de certains contrats.
Toujours selon l'étude de Foraus les traités internationaux soumis à votations, si l'initiative était adoptée, pourraient être "aussi bien des accords importants que des accords très techniques et peu accessibles au grand public". Comme si le peuple suisse ne votait pas déjà sur des objets très techniques...
Ensuite l'étude de Foraus considère qu'en matière internationale seule la Suisse dans son ensemble est compétente et que les cantons ne devraient pas avoir droit au chapitre. C'est faire fi du fédéralisme et du principe de subsidiarité qui protègent les minorités du pays.
Quand un article de la Constitution fédérale est modifié ou ajouté, la double majorité du peuple et des cantons est requise. Pourquoi n'en serait-il pas de même avec les traités internationaux? Ce qui leur conférerait une plus grande légitimité puisque le consentement serait plus élargi.
Enfin les rédacteurs de l'étude de Foraus pensent naïvement que la position de la Suisse serait affaiblie si le peuple était consulté obligatoirement lorsque les traités internationaux relèvent de "domaines importants". C'est tout le contraire. Les négociateurs pourraient argumenter que le peuple suisse n'accepte pas n'importe quoi et qu'il leur faut prendre en compte sa volonté prévisible avant d'admettre quelque clause que ce soit.
Le débat sur l'initiative de l'ASIN a donc pour principal mérite de faire ressortir que nombre de traités internationaux, toujours plus nombreux, touchent à des domaines importants et qu'au mépris de la démocratie - ce qui, par exemple, est un travers courant chez les négociateurs de l'Union européenne -, le peuple est laissé dans l'ignorance des véritables enjeux.
Pourquoi le peuple ne voterait-il pas les traités internationaux importants? On se le demande. Enfin... on ne comprend que trop bien pourquoi on n'a pas trop envie qu'il vote. Le peuple pourrait bien refuser ce que ses prétendues élites cherchent à lui imposer en douce...
Francis Richard
L'internaute pourra lire sur le site lesobservateurs.ch mes réflexions sur les réseaux de soins intégrés soumis également à votation le 17 juin 2012.