Vue hier soir à la télévision la nouvelle ministre de la Culture Mme Filippetti à Cannes. J’ai toujours trouvé curieux que la première urgence d’un ministre de la Culture soit de se rendre à Cannes… la société du spectacle, comme disait Debord.
Côté paillettes
Interviewée sous la pluie, elle en est rapidement venue à évoquer la nécessité d’éducation artistique des élèves, et « qu’avec son collègue de l'Éducation V. Peillon, elle avait lancé ce chantier, etc. ». Amusante aussi cette antienne que débitent dans les mêmes termes les ministres successifs de la culture, de droite comme de gauche.
Il est pourtant un sujet – et c’est l’objet du présent billet – sur lequel on attend les ministres respectifs de la Culture et de l’Éducation : c’est celui de « l’exception pédagogique et de recherche » au droit d’auteur (loi DAVDSI de 2006). La France est un des seuls pays à avoir jugé bon de ne pas faire une « exception », mais de négocier des compensations entre l’Éducation nationale et les sociétés de droits d’auteur.
Côté paillasses
On trouvera des analyses fort critiques de cette situation ici (Lionel Maurel), là
(Michèle Battisti) ou encore là (Rémi Mathis). Comme l'écrit le ministère de l’Éducation lui-même,
« il n’existe pas réellement d’exception pédagogique dans la loi française. Ce que l’on nomme ainsi correspond essentiellement aux accords
sectoriels négociés contre une rémunération forfaitaire ». La France est le seul pays à avoir adopté une telle solution, sous la pression des lobbys de sociétés de droit d’auteurs auprès du
ministre de la Culture (« qui constitue une caisse de résonance pour tous les groupes de pression, qui cherchent à se mettre bien à l'abri de la compétition naturelle à laquelle sont
soumises les autres professions » dixit mon ami le physicien Franck Laloë dans une récente tribune Injustes droits d’auteurs parue dans LeMonde.fr)[1]. Cette absence d'exception pédagogique n'est-elle pas à ranger dans la spécificité de... l'exception culturelle à la française
?
On parle ici de sommes rondelettes : 1,7 millions d’euros par an (voir la convention signée avec le CFC Centre français d’exploitation du droit de copie qui gère pour les sociétés d’auteurs, PDF 5,3Mo). Des économies à faire, sans doute. Voici un sujet sur lequel on attend les deux ministres (et qui d’ailleurs est important pour l’éducation artistique à l’École, cf. plus haut).
[1] J’avais eu l’occasion de participer en 2003 (préparation loi DAVDSI) à une réunion interministérielle à Matignon où j’essayais, pour la recherche, de défendre une exception pédagogique et de recherche digne de ce nom. Peine perdue : le conseiller éducation-recherche de Matignon avait d’emblée intégré tous les arguments des lobbys de la culture – le conseiller culture de Matignon n’avait qu’à le laisser parler, ce qu’il faisait…