Peintre anonyme, XVIIIe siècle,
anciennement attribué à Anne Vallayer-Coster (Paris, 1744-1818),
Raisins, verre à vin et pendule, sans date.
Huile sur toile, 73,5 x 59,4 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts.
(cliché © RMN-GP/René-Gabriel Ojéda-Thierry Le Mage)
Stimulées par la réussite de Musica Antiqua Köln, nombre de personnalités musicales actives à Cologne ont commencé, au cours la seconde moitié des années 1980, à émerger de l’ombre. Si des noms comme le Collegium Cartusianum, Les Adieux, voire la Camerata Köln n’évoquent peut-être que peu de choses de ce côté-ci du Rhin, on peut gager que la réputation du Concerto Köln et du claviériste Andreas Staier a été et, pour le second, est toujours suffisamment vivace pour avoir laissé des traces hors de leur territoire d’origine.
Lorsque ces musiciens dont une majorité, Staier y compris, a travaillé avec Reinhard Goebel, se retrouvent dans les studios de la radio colonaise à la fin du mois de novembre 1992, tous ont déjà à leur actif des réalisations qui ont fait parler d’elles et dénotent un caractère solidement trempé et beaucoup d’enthousiasme. Le Concerto Köln, après avoir entamé sa carrière discographique de façon assez banale avec Vivaldi, s’est rapidement tourné vers des répertoires nettement moins fréquentés voire complètement inédits qu’il défriche avec gourmandise et talent, comme en attestent ses réalisations consacrées aux musiques de la Révolution française, aux Concerti de Durante et, bien sûr, sa contribution majeure à la redécouverte de Joseph Martin Kraus, dont il enregistre deux volumes de symphonies (Capriccio, 1991 et 1992) regardés aujourd’hui comme des classiques, qui feront grand bruit à leur parution et vaudront à l’ensemble de devenir un des partenaires privilégiés, pour l’opéra, de René Jacobs et de graver pour le prestigieux label Teldec une série de disques globalement indispensables. Andreas Staier, lui, s’est distingué tant au sein de l’ensemble de chambre Les Adieux avec lequel il a enregistré, entre autres, Mozart, Boccherini et CPE Bach, qu’en soliste avec des récitals Scarlatti et surtout Haydn qui l’ont révélé comme un claveciniste et pianofortiste de tout premier plan, alliant une indéniable fougue à une autorité naturelle parfois un rien péremptoire.
La rencontre de ces fortes personnalités ne pouvait que faire des étincelles et c’est Jan Ladislav Dussek, compositeur né en Bohème mais actif à Paris de 1786 à la Révolution, que sa proximité avec Marie-Antoinette, à la mémoire de laquelle il dédia un très émouvant Tableau décrivant les dernières années de sa vie superbement restitué dans cet enregistrement, obligea à quitter la France pour l’Angleterre où il demeurera une dizaine d’années avant de fuir ses créanciers à Hambourg puis Paris, dernière étape d’un parcours qui l’aura conduit au travers de toute l’Europe, qui va en bénéficier. Jusqu’alors, la réputation, fondée sur une bonne dose d’ignorance, qui s’attache à sa musique est surtout celle d’une virtuosité ou d’un esprit de salon un peu creux ; ce disque, paru en 1995, va largement tempérer ce jugement en donnant à entendre deux concertos de la plus belle eau interprétés, qui plus est, avec une maestria assez éblouissante, tant au clavier qu’à l’orchestre. La légèreté de touche encore toute mozartienne du Concerto en si bémol majeur (1793), dont le premier mouvement résolu et souriant conduit à un Larghetto non tanto à la mélodie simple et douce comme une chanson puis à un pétillant Rondo final, à la progression savamment conduite et à peine troublée par quelques modulations qui y font passer ce qu’il faut de tendresse et d’ombres pour en aviver encore l’élan et les couleurs, comme le caractère nettement plus romantique du Concerto en sol mineur (1801) dont l’exigeant premier mouvement, à l’humeur souvent orageuse, s’achève sur un inquiétant coup de timbale avant de faire place à un Adagio tissé de rêveries à fleur de peau puis à un Finale dont les demi-teintes s’évanouissent bien vite pour laisser place à la danse, sont servis par des musiciens qui, sans jamais forcer le trait, leur insufflent une vie incroyable en investissant chaque mesure avec un mordant, une envie mais aussi une maîtrise absolument jubilatoires.
Ce disque plein de scintillements, de charme, de transparence, qu’il s’agisse de l’extrême lisibilité des pupitres du Concerto Köln ou du toucher remarquablement fluide et lumineux de Staier, mais aussi de vraies bouffées d’émotion, où l’équilibre et le dialogue entre les protagonistes apparaît souvent d’un naturel miraculeux, outre le plaisir qu’il apporte, permet de mieux saisir l’importance de ce que l’on appelle l’École anglaise de pianoforte, dont Clementi et ses élèves – Hummel, Field, Cramer, entre autres – mais aussi Dussek sont de grandes figures, et sans laquelle l’émergence de musiciens romantiques de l’envergure de Chopin ou Liszt n’aurait pas été possible.
Jan Ladislav Dussek (1760-1812), Concertos pour piano et orchestre en si bémol majeur, opus 22, en sol mineur, opus 49 (50), Tableau « Marie Antoinette », opus 23*
Andreas Staier, pianoforte Broadwood & Son, Londres, 1806
*Jean-Michel Forest, récitant
Concerto Köln
Enregistré en novembre 1992 dans les studios de la radio de Cologne [durée totale : 66’37”]. Publié en 1995 par Capriccio sous référence 10444 et réédité depuis, ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Des extraits de chaque plage peuvent être écoutés sur Qobuz.com en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Concerto en sol mineur : [II] Adagio
2. Concerto en si bémol majeur : [III] Rondo. Allegro non tanto