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de la résine et des larmes

Par Jmlire

de la résine et des larmes" Des larmes coulaient sur ses joues, sa poitrine était oppressée, et sur son visage, on pouvait lire une expression où se mêlaient la vie et la mort ; Varvara Alexandrovna, en serrant ses mains, répétait avec frénésie :

  - Xenouchia, Xenia, pourquoi pleures-tu, dis-moi, dis...

  Mais la mourante ne prononçait plus un seul mot, elle râlait.

  - Xenouchia, Xenia, pourquoi pleures-tu...

  Xenia Alexandrovna avait un caractère étrange : elle parlait beaucoup, on la trouvait même bavarde ; quand elle était petite, son père l'appelait " la pie ". Mais en même temps, elle avait un grand pouvoir de dissimulation. Pas une fois dans sa vie elle n'avait ouvert son coeur à l'un de ses proches. Ses trois mariages avaient été des mariages de raison ; elle avait épousé des hommes plus âgés qu'elle, des hommes aisés, instruits, arrivés à une belle situation. Mais avait-elle été heureuse avec eux ? Tous trois étaient différents mais ils avaient de nombreux points communs : ils ne buvaient pas, ne fumaient pas, n'allaient jamais au théâtre ou en visite chez des amis. Ils étaient économes. Pourtant, ils aimaient tous, comme Xénia Alexandrovna, les beaux objets, les objets élégants. Peut-être est-ce pour cette raison qu'ils étaient tombés amoureux de Xenia Alexandrovna ? Elle avait été très belle et, malgré son embonpoint et ses cheveux blancs, elle avait gardé son charme. Sa belle tête blanche s'harmonisait si bien avec les beaux objets qui l'entouraient !

   - Xenouchia, Xenia, pourquoi pleures-tu...

  Parmi toute cette porcelaine et tout ce cristal, les flacons de pharmacie, les ampoules cassées, la gaze déchirée, les bouts de coton hydrophile et le pitoyable collier à bon marché qui pendait sur la poitrine de Xenia Alexandrovna donnaient une impression étrange.

  Même pendant son agonie, Xenia Alexandrovna n'avait pas rompu son silence. Sa soeur ne savait pas pourquoi des larmes coulaient sur ses joues, ni pourquoi elle avait mis, avant sa mort, ce misérable collier de verroterie... pleurat-elle à l'heure de sa mort parce qu'elle avait vécu sans connaître le bonheur ? Pleurait-elle parce qu'elle souffrait, comme un arbre cassé gélmit quand il s'abat et grince en répandant de la résine et des larmes ?

  Personne ne le saura jamais...

Vassili Grossman, extrait du recueil de nouvelles  " La route "  Editions L'âge d'Homme 2010

http://carnetsdejlk.hautetfort.com/archive/2005/07/30/la_bonte_selon_ikonnikov.html


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