Vous vous demandez pourquoi certains de vos amis sont trop bavards? Le Pr Jason Mitchell de l'université d'Harvard a peut-être trouvé la réponse à cette question. Selon ce neuroscientifique américain, le fait de parler de soi aurait les mêmes effets que le sexe, la nourriture ou les drogues sur le cerveau en activant le circuit de la récompense. Les résultats de ces travaux ont été publiés la semaine dernière dans la revue de l'Académie des sciences américaines (PNAS).
Au départ, les auteurs de l'étude ont constaté que nous passions 30 à 40% de notre temps de parole à informer les autres de nos expériences personnelles et à raconter une histoire dont nous étions le personnage central. Le Pr Mitchell et son ancienne étudiante en psychologie, Diana Tamir se sont alors demandés pourquoi nous aimions tant parler de nous.
Parler de soi à tout prix
Pour comprendre ce qui se passait dans notre cerveau, plusieurs expériences ont été menées sur des participants qui devaient notamment répondre à ces trois questions.
1) Á quel point aimez-vous les sports d'hiver comme le ski?
2) Á quel point le président Barack Obama aime les sports d'hiver?
3) Vrai ou faux? Léonard de Vinci a peint la Joconde.
Le constat fut sans appel: quelle que fut la question posée, les participants finissaient toujours par répondre en fonction de leur expérience personnelle.
Un autre test a confirmé cette tendance. Les chercheurs proposaient de rémunérer les participants qui parviendraient à parler d'un sujet éloigné de leur vécu. Résultats, certains ont préféré perdre de l'argent, juste pour le plaisir de parler d'eux, même quand le sujet de conversation ne s'y prêtait pas. "Tout comme des étudiants auraient été prêts à laisser de côté l'argent pour admirer de jolies filles, nos participants étaient prêts à renoncer à l'argent pour parler d'eux", commente le Pr Mitchell dans son étude.
Au centre du plaisir, la dopamine
D'après les chercheurs, cette irrésistible envie de parler de soi aurait une origine neurobiologique: le système de récompense. En scrutant le cerveau des participants qui parlaient d'eux-mêmes, les chercheurs ont observé une hausse de l'activité du système mésolimbique, une zone connue pour s'activer pendant les rapports sexuels. Ainsi, quand une personne parle d'elle, cette partie du cerveau libère de la dopamine, une substance chimique liée aux sensations de plaisir et d'anticipation d'une récompense.
Le succès de Facebook, de twitter et des blogs n'est donc peut être pas un hasard. Connectés sur les réseaux sociaux, les internautes passent environ 80% de leur temps à parler d'eux. Est-ce un mal? Pour les auteurs de l'étude, cette propension à parler de soi renforce les liens sociaux et permet aux gens de mieux se connaître.