La cinéphilie ne s’arrête pas pour autant dans les salles de la capitale, et s’il est permis d’envier ceux qui verront les films de Cannes sur place, il est possible de se prendre pour un festivalier à Paname. Pas de Croisette ici, mais des films au parfum cannois, avant que le MK2 Bibliothèque, le Forum des Images, le Reflet Médicis ou la Cinémathèque ne reprennent presque tous les films dans quelques jours. En ce jour férié (oui j’ai quelques jours de retard…), je me suis réveillé avec la ferme intention de voir deux films, et il s’est trouvé que les deux films que j’avais le plus envie de voir étaient déjà passés par Cannes. Un coréen de la cuvée 2011 d’Un Certain Regard, et un américain concourant cette année pour la Palme d’Or.
Il était hors de question que la journée s’achève sans que j’aie vu « Moonrise Kingdom », le nouvel opus de Wes Anderson, dont j’attends chaque film avec une délectation particulière, et la possibilité de le voir dans la salle Panorama de l’Escurial m’a rendu ce programme encore plus alléchant. Depuis le temps que j’avais envie de poser mon séant dans cette salle, le 17 mai 2012 restera comme le jour où enfin mon souhait s’est exaucé (c’est trop grandiloquent, hein ? Je sais je n’ai pas pu m’en empêcher). Pour ce jour férié en solo, j’avais envie de me faire plaisir, et décidai donc de précéder ce plan du premier film coréen à sortir dans les salles françaises cette année. Un film coréen plus un Wes Anderson ? Le paradis ne doit pas être loin.
Il est étrange de noter que les deux cinéastes du jour, Hong Sang-soo et Wes Anderson, ont tous deux un univers cinématographique unique qui se retrouve de film en film. On pourrait presque dire que ces deux-là refont toujours un peu le même film, et il serait difficile de s’en offusquer. C’est vrai, les films d’Hong Sang-soo ont toujours un protagoniste cinéaste, ou presque, qui se trouve toujours embarqué dans un triangle amoureux, ou presque, et passe toutes ses soirées à s’enivrer de soju, ou presque. Et non, « Matins calmes à Séoul » ne déroge pas à la règle, avec son beau noir et blanc qui accompagne ce retour dans la capitale coréenne d’un cinéaste en mode pause qui retrouve le temps de quelques jours un vieil ami, une ancienne flamme, et un potentiel nouvel attrait amoureux.
C’est une remarque que je ferais bien aussi à propos du nouvel opus de Wes Anderson, « Moonrise Kingdom ». Il n’y est pas question de déception, mais du sentiment que le Texan a fait de plus grands films que cette douce balade. Lui aussi, donc, a le chic pour faire un cinéma identifiable en quelques plans, si ce n’est un seul. Les thèmes brassés, comme chez Hong Sang-soo, reviennent inlassablement dans les films du réalisateur de « La famille Tenenbaum » : la famille destructurée, la mort qui rôde, et au-delà des thèmes, un ton résolument pop mâtiné de mélancolie dans tous ses films.
Ce qui m’a peut-être le plus surpris dans ce Moonrise Kingdom, c’est de n’y pas trouver cette étincelle d’émotion qui me bouleverse dans le cinéma d’Anderson. Il y a bien ce ton unique, cette cocasserie amère, cet humour irrésistible, mais il m’a manqué la flamme qui fait que toujours, le film de Wes Anderson est l’un des tous meilleurs de l’année. Mais j’ai l’impression de me justifier par avance pour le moment dans quelques mois où vous découvrirez mes dix films préférés de 2012, et n’y découvrirez certainement pas « Moonrise Kingdom ». Je ne voudrais pas pour autant que vous croyiez que je sous-estime la dernière cuvée de Wes Anderson. Ne croyez pas que je n’ai pas ri devant ce jeune homme se rafraichissant en se mettant des feuilles sur la tête (plutôt qu’en retirant son chapeau de fourrure). Ne croyez pas que je n’ai pas apprécié l’écriture délicieuse, la mine triste de Bruce Willis, ou le fait que Tilda Swinton joue « Social Service », une fonction en guise d’appellation. Ne croyez pas que ce portrait d’enfants se prenant pour des adultes et vice-versa (un thème cher au cinéma ces temps-ci, après « I wish » de Kore-eda Hirokazu…) ne soit pas d’une tendre justesse.
Quant à Hong Sang-soo, qui tourne un film par an, il est lui aussi cette année en compétition sur la Croisette avec « In another country », dans lequel il dirige Isabelle Huppert. J’en reparlerai peut-être bientôt… Enfin… vous voyez, même pendant Cannes, Paris reste cinéphile.