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Preuve de résistance (by Stefania)

Publié le 21 mai 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

Macao logo okLe logo du comité Macao


Chers lecteurs, j’imagine que, étant des gens informés, vous vous êtes aperçus que l’Italie est en train de passer par une période difficile voire dramatique.

Au delà de la crise économique, on assiste à une crise profonde de la classe politique, qui a, pendant les vingts dernières années (mais j’oserai dire même avant) ravagé le pays, les consciences, le sens civique des italiens, son patrimoine historique et naturel (et Berlusconi n’est que la partie visible de l'iceberg). Dans ce moment si difficile, les mesures prises pas le gouvernement pour essayer de résoudre les problèmes budgetaires sont, entre autres, des coupes sombres à tout ce qui n’a pas l’air “rentable”: des dépenses sociales à la culture. Il faut savoir qu’aujourd’hui l’État italien consacre à la culture 0,21% de son budget (en France c’est 1%), ce qui n’est même pas suffisant pour couvrir les dépenses de gestion et de maintenance.

Ne croyez pas à ce qu’on raconte sur l’Italie (chez nous on dit les mêmes choses sur la Grèce): les italiens n’ont pas vécu longtemps au-dessus de leurs possibilités financières, c’est la classe politique qui a pillé toutes les richesses du pays, et avec elle tous ces individus qui ont cru pouvoir s’enrichir en foulant aux pieds les droits de leurs voisins (la plupart des fois honnêtes).

Mais venons en à nous. Je voulais vous parler d’une petite expérience qui s’est montée à Milan pendant que j’étais “en vacances” dans ma ville natale, il y a 15 jours.

Torre-Galfa1
La "tour Galfa" à Milan, occupée par le comité Macao

Le comité Macao a occupé, avec d’autres organisations de la culture milanaise, une tour de 31 étages au cœur de Milan, vide et abandonée depuis 20 ans. L’occupation a duré une dizaine de jours, pendant lesquels, à longueur de journée, des activités culturelles étaient organisées. Les occupants n’étaient pas que des jeunes des squats, mais un groupe bien plus ample qui comprenait des organisations de différentes orientations, connu en général sous le nom de “travailleurs de l’art”.

La semaine passée, la tour a été évacuée et il paraît que le maire de Milan a promis un espace, proprieté de la Mairie, pour accueillir les activités de Macao.

Galfa interno
Intérieur de la tour Galfa


Cet événement, qui se relie à d’autres similaires (l’occupation du Teatro Valle à Rome, par exemple), et d’autres discours que j’ai entendu depuis quelques mois pendant mon travail à Turin, grâce aux rencontres avec les artistes et les (bons) professionnels de l’art, me fait penser que le moment est arrivé pour montrer que la culture, et l’art, n’est pas une gentille concession d’une personne ou d’un État.

La culture ne doit pas être une simple rubrique du bilan, être soumise à une logique de rentabilité, avoir une banale fonction de cosmétique de nos villes et pays. Elle n’est pas le divertissement des riches, l’oripeau des professeurs d’université, ni un nouveau domaine de prédilection du marketing et de la publicité.

Macao2

Dans le système culturel (et notamment celui de l’art contemporain) il y a des travailleurs, qui ont un travail, des droits, des contraintes et qui ne font pas ce type de travail (je souligne le mot "travail") parce qu’ils sont “fils à papa”, parce que c’est cool et par loisir. J’en ai connu des artistes qui, a côté de leur activité artistique, ont deux ou trois boulots pour se nourrir et pouvoir exercer leur vrai activité, l’art. Et sans vouloir aller plus loin, il suffit de voir mon emploi du temps de la semaine! (oui, ça ne change pas grand-chose en France…)

J’ai eu longtemps un sentiment de culpabilité face à mes copines profs dans les lycées de banlieue,  infirmières ou travaillant dans l’humanitaire. Mais, après 7 ans dans l’art, je vous avoue que j’arrive très bien à marier mon travail (et donc ma passion) et mes convictions politiques. S’occuper d’art n’empêche pas de pouvoir imaginer une autre société, de se sentir libres des logiques de production, de respecter le travail des autres.

Je ne suis pas parmi les organisateurs de Macao (j’ai toujours été plutôt allergique, par caractère, aux ressemblements en général), mais je salue cette initiative comme l’une des plus intéressantes à Milan et en Italie, ne serait-ce que pour le débat qu'elle a suscité et le besoin fort de culture qu'elle a affiché.


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