“Si je suis battu, les Français vont tellement galérer qu’ils reviendront me chercher et m’éliront par plébiscite” N. Sarkozy dans Paris-Match du 17 mai 2012
Le parti socialiste vainqueur de l’élection présidentielle de 2012 part avec l’immense avantage de n’inspirer aucun espoir. Personne n’attend plus rien de cette gauche. En effet, sorti d’un noyau dur de courtisans, tourneurs de vestes et militants fraichement mobilisés pour mettre en fuite le sarkozysme, aucun quidam ne croit sincèrement que la gauche, cette gauche, puisse faire quoi que ce soit pour changer fondamentalement quoi que ce soit. C’est en ce sens que F. Hollande et son gouvernement peuvent trouver leur chance.
Mais alternance ne veut pas dire changement, même si les slogans publicitaires que nécessite une campagne le laissent entendre. Certes “le changement, c’est maintenant”. Et il a eu lieu. Mais après ? Est-ce que cette nouvelle gauche dont la matrice issue du milieu des années 80 va abandonner son tropisme gestionnaire ? Proprette, cette intendance de la démocratie dans l’échange standard et cordial des pouvoirs. Telle que la souhaitent les droites. La commémoration du 8 mai et les passations au sein des ministères (à quelques exceptions) montrent que cette continuité “gestionnaire” est bien la marque de fabrique de cette République.
S. Legrand déclarait sur le plateau de F. Taddeï que F. Hollande représentait la sociale démocratie amputée de son volet social. En d’autres termes qu’il incarnait une certaine idée du centrisme dans son acceptation de l’ordre des choses. Mais aussi et surtout dans sa volonté d’éviter les ruptures, les changements radicaux. Le type même de pouvoir de gauche annonçant, fataliste, au quidam qui n’y croit plus que “l’État ne peut pas tout”…
S. Legrand se trompe peut-être et rien n’est certain.
F. Hollande annonce une réforme fiscale, une politique offensive en faveur des jeunes et la primauté de l’éducation. Des réformes égalitaires d’apparence marquées à gauche. Quelle en sera la portée ? Permettront-elles au péquin qui ne voit dans le PS qu’une machine à élire des notables et mimer la diversité d’entrevoir un espoir de progrès pour lui et les siens ? Permettront-elles au terme du quinquennat d’envisager un autre mandat, pour poursuivre ? Et d’éviter le cauchemar identitaire annoncé. Avec Le FN ou un ersatz UMP.
F. Hollande est dans l’obligation impérative de décevoir la gauche radicale qui l’enterre déjà par sa mollesse. Mais il devra aussi décevoir les faiseurs d’opinion, commentateurs multicartes, A. Duhamel, F. O. Giesbert (expert en retournements) et autres arapèdes soudées aux ors de la République, qui se gobergent de passations et d’alternances réglées comme du papier à musique. Pour que l’histoire se perpétue à son rythme, chacun à sa belle place. Et que surtout rien ne change (pensent-ils).
Mais surtout.
F. Hollande est dans l’obligation de décevoir. De décevoir ceux qui guettent patiemment que leur tour vienne : darwinistes sociaux, cupides et opportunistes de tout poil, spéculateurs, qui font du chaos et des divisions un fonds de commerce fructueux. Ainsi que les homophobes, xénophobes réactionnaires, racistes qui fourmillent sur les promesses rancies d’une gauche timorée. Tous ceux-là attendent, espèrent que les choses se passent comme prévu.
F. Hollande est dans l’impérieuse obligation de les décevoir.
Vogelsong – 19 mai 2012 – Paris