Le chat
Combien d’entre nous iront dormir où les a menés cette vie
Sans bagages, sans un sou, avec juste un mot de recommandation
Entre les dents. Et que dit ce mot ? C’est le miaulement d’un chat
A qui ils ont donné du lait un soir
De fatigue et de retour du travail ;
Passer un pont, obscurcir
Toute chance d’avenir à force de palabres avinés
- « Dis, tu crois qu’il y aura des ménages à faire, demain ? » -
C’est le lot de certains : rien de plus dans le havresac
Que la serviette du bon Dieu pour leur essuyer le visage (une fois parvenus en haut de la côte),
Un quignon de pain, un morceau de saindoux, peut-être
Et, tout brillants au-dessus de leur tête,
Les yeux de Minou assurant l’auguste portière de leur révérence
Et déposant en leur faveur : « Vierge Mère,
Celui-là a été mon frère. »
6. Mais n’est-ce pas déjà fait ?
C’est dans les squares
Que tu m’apparais le mieux, - sur ces bancs à peine immaculés, où – l’hiver aidant –
Toute douleur s’est déposée (et moi avec elle) et toi, que deviens-tu ? Je devine à ton air chagrin (entrevu à travers les nuages)
Que tu as dû rester trop longtemps assis sur ce banc…
La douleur m’a dit t’avoir téléphoné : tu n’as pas répondu… avais-tu mal à ce point ? Ou bien faudrait-il
Que vous échangiez vos rôles, l’une et l’autre ; et que la douleur devienne toi –
Et toi, la douleur… mais n’est-ce pas déjà fait ?
Jean Miniac, Le Jour, dessins de Colette Deblé, coll. La Grande bleue, Bleu d’Encre éditions, 2012, pp. 22 et 45
Jean Miniac dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext. 1