La rumeur et les signes avant-coureurs de la nationalisation d’YPF enflent depuis quelques semaines. La filiale argentine du géant pétrolier espagnol Repsol pourrait être nationalisée sous peu par le gouvernement argentin de Cristina Kirchner, ce qui a déclenché un conflit diplomatique entre les deux pays.
Vendredi 13 avril, “le gouvernement a décidé d’envoyer au Congrès un projet de loi qui déclare “d’intérêt public” 50,01 pour cent des actions de la société, désormais dans les mains de l’espagnol Repsol et dans une moindre mesure, de leur partenaires Argentins Petersen Group, propriété de la famille Eskenazi” selon le journal d’opposition argentin Clarin. Le gouvernement Kirchner a affirmé ce week-end que ce projet de loi, non signé, était un fantasme.
L’intérêt général
Comme au Vénézuela, le gouvernement argentin est parti en guerre contre les pétroliers, en particulier contre l’espagnol Repsol, qui assure 32 % de la production de brut et 23 % de celle de gaz via sa filiale locale YPF. L’Argentine souhaite récupérer l’entreprise privatisée en 1999 car, selon le journal officialiste Pagina 12, “depuis que l’Etat a perdu le contrôle de la société elle a arrêté de se conformer à tous ses objectifs stratégiques“. Le débat a repris de la vigueur en 2011, avec la découverte d’une quantité importante d’hydrocarbures dans la formation de Vaca Muerta, dans le bassin de Neuquen. Repsol a déclaré que, grâce à ce gisement,l’entreprise “pourrait doubler la capacité de production de pétrole et de gaz existant en Argentine en 10 ans.”
Buenos Aires accuse en général les compagnies pétrolières de privilégier la maximisation du profit à cours terme et de ne pas investir suffisament dans l’économie argentine. Selon La Tribune “Les griefs du gouvernement sont en partie fondés. Ces dernières années, 90 % des dividendes d’YPF ont été distribués aux actionnaires, et, pour l’essentiel, ils ont pris le chemin de l’Espagne. “
La nationalisation n’est pas le seul chemin envisagé pour sortir de cette impasse. Le gouvernement envisage par exemple l’obligation de chaque exploitant de s’associer à l’Etat pour respecter la planification, comme le fait PDVS au Venezuela ou Petrobras au Brésil.
Conflit diplomatique
Alors que le conflit avec le Royaume Uni autour des Malouines a repris de la vigueur ces derniers mois, l’Argentine se met maintenant à dos l’Espagne.
La volonté de nationaliser la filiale de Repsol passe très mal auprès du gouvernement de Mariano Rajoy, déjà engorgé dans la crise. Le ministre des Affaires étrangères espagol, José Manuel García, a mis en garde vendredi l’Argentine contre une “agression“ qui violerait “le principe de sécurité juridique“. Un éditorial du quotidien El Pais résume la crainte d’une partie de la population espagnole face à ce qui est considéré comme une attaque contre la propriété privée : “Et peu importe si -la nationalisation- est “illégale” parce qu’il y a quelque chose de beaucoup plus grave: elle est immorale” explique Alejandro A. Tagliavini.
L’expropriation
En Argentine la loi d’expropriation date de 1977. Dernièrement, elle a notamment été utilisée pour récupérer le patrimoine culturel de l’Etat Argentin.
En France, l’expropriation est née de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont l’article 17 dispose « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Mais la notion “d’utilité publique” reste très vague en France. Une loi de 1964 vise l’expropriation des bidonvilles, pour lutter contre l’habitat insalubre, et une loi de 1994 met en place une procédure du même type pour la prévention des risques naturels majeurs. Selon Linternaute, “chaque année en France, 40.000 propriétaires sont contraints de quitter leur résidence sous la pression de leur commune, qui a entrepris un projet d’intérêt général“, comme un projet d’autoroute ou la construction de logements sociaux.