Danny Boyle avait surpris son public il y a quelques années en tournant soudain un film de contaminé au lieu des comédies légères que l’on pouvait attendre de sa part. Petit budget, mais quelques visions dantesques de Londres vide et dévastée, ainsi qu’une approche réaliste et crue du sujet en avait fait une réussite surprise. La mise en chantier d’une suite, même si pilotée par Juan Carlos Fresnadillo (réal de Intacto, film très sympa) laissait penser qu’on aurait le droit à un direct-to-vidéo. Belle erreur, puisque 28 semaines plus tard rentre directement dans le club très fermé des suites de film supérieures à l’original.
28 semaines plus tard – Apocalypse now !
Six mois après la contamination Londonienne, l’armée est enfin parvenue à reprendre le dessus et à organiser un début de civilisation dans des cités protégées. Don, après avoir du abandonné sa femme a des infectés, retrouve enfin ses enfants. Il doit leur apprendre la mort de leur mère. Alors qu’ils tentent tous trois de reconstruire une vie de famille, l’armée fait la découverte d’un sujet contaminé par le virus, mais n’en ayant pas les symptômes. Y voyant une source possible d’antidote, ils la conservent en sécurité…
Le premier opus, 28 jours plus tard, était particulièrement réussi dans sa première partie, montrant un monde apocalyptique malgré un budget ridicule. Mais la seconde partie du film, dans un camp militaire, perdait en force en s’éloignant quelque peu du sujet et de son âpreté.
Fresnadillo décide de pousser plus loin la vision. Le monde qu’il décrit est étonnamment proche et à la fois totalement effrayant. L’humanité essaie de survivre, enclavée dans des cités où guettent des snipers dont on ne sait s’ils sont là pour protéger la cité de l’extérieur ou pour éliminer rapidement toute menace intérieure.
Ce sentiment d’épée de Damoclès constamment brandie au-dessus de la tête des protagonistes, ce sentiment d’imminence du danger malgré l’illusion de paix… il excelle à le décrire. Même Romero dans son Land of the Dead n’était pas arrivé à donner autant de force à cette impression, en restant embourbé dans une métaphore sociale un peu trop cynique et manichéenne.
La reprise de la contamination par un vecteur non prévu renvoie à la découverte récente par les américains du concept « d’ennemi intérieur ». Comment réagit-on lorsqu’on s’est prémuni contre une agression externe mais que le mal provient de l’intérieur de la communauté ? Comment peut-on circonscrire une contamination imprévue sans risquer de massacrer des innocents ? Le film renvoie évidemment aux peurs viscérales des américains, et se permet même la métaphore sur l’impuissance du gouvernement à agir après l’ouragan Katrina.
En prenant ces thématiques fortes et en les brassant avec l’obsession du personnage de Don de réunir sa famille à tout prix, Fresnadillo crée un film à plusieurs niveaux de lecture. On oscille en permanence entre la petite histoire (au niveau de cette famille décomposée) et l’Histoire avec un grand « H » : la reprise de la contamination. En jouant sur ces deux niveaux et en leur donnant une part égale, Fresnadillo livre un film dont la force équivaut à celle d’un grand film historique. Ses personnages sont à la fois moteur de l’action, et la subissent car elle les dépasse totalement.
Ce mix extrêmement subtil entre phases horrifiques menées tambour battant (la propagation du virus est un modèle absolu d’efficacité, clairement un grand moment de cinéma comme je n’en avais pas vu depuis longtemps), et phases plus intimistes où les personnages essaient juste de survivre, va finalement à l’encontre de nos habitudes de spectateur concernant les survivals, avec personnages stéréotypés, meurtres gratuits et inutiles. Ici on est dans du film de guerre, presque épique !
Rarement en tout cas, un film d’horreur aura été aussi efficace, et le casting enfonce encore le clou. Bardé d’excellents acteurs (y compris les gosses !), la seule tête connue est Robert Carlyle, toujours aussi parfait dans son rôle de père rongé par la culpabilité et prêt à tout pour voir ses gosses.
Je pourrai m’étaler encore pendant des pages pour parler de l’excellente scène d’introduction où Don fuit une ferme en abandonnant sa femme, avec des plans à la fois aériens, légers et super stressants… ou encore de celles où l’armée libère un agent chimique pour nettoyer la zone, donnant lieu à une scène qu’on croirait tout droit sortie de The Mist… ou bien encore la scène de tir des sniper lorsque la contamination reprend et qu’ils n’arrivent pas à différencier humains sains et infectés… autant de grands moments de bravoure…
28 semaines plus tard s’impose directement comme un classique, transcendant son sujet et accédant indéniablement au statut de chef-d’œuvre. Un indispensable à se procurer de toute urgence, si comme moi vous l’avez manqué au cinéma.