Les causes exactes des syndromes post-traumatiques qui exposent des milliers de vétérans de conflits violents à des dépressions et divers troubles psychiatriques sont encore mal comprises. Des chercheurs américains ont pour la première fois fait un lien entre les effets des explosions avec une maladie dégénérative du cerveau, l'encéphalopathie traumatique chronique (CTE en anglais). On les associait surtout à des sportifs de haut niveau dans des disciplines avec des contacts violents, comme le football américain et le hockey sur glace.
Cette maladie grave se traduit par une dégénérescence lente du cerveau, entraînant entre autres des troubles de la mémoire, des tendances suicidaires, une augmentation de l'agressivité et des démences. Aucun traitement n'est connu, et les cas de CTE ne sont scientifiquement diagnostiqués que par des analyses post-mortem. L'équipe du Dr Lee Goldstein de l'école de médecine de la Boston University a trouvé les traces de cette dégénérescence en analysant des cellules cérébrales de quatre vétérans qui avaient été exposés à des ondes de choc ainsi que quatre sportifs qui avaient eu de nombreux traumatismes crâniens, trois jeunes joueurs amateurs de football américain et un catcheur professionnel.
Les effets du souffle sur le cerveau
"Notre travail montre de manière claire et définitive qu'il y a des problèmes structurels dans le cerveau pour les personnes exposés à des explosions", explique le Dr Lee Goldstein, principal auteur de la publication publiée en ligne cette semaine dans la revue américaine Science Translational Medecine. Une conclusion qui constitue une piste sérieuse pour expliquer les troubles et les comportements dépressifs de certains vétérans pour qui toutes les batteries de tests médicaux ne trouvent aucune séquelle physique apparente.
Une étude menée en 2008 avait trouvé que 20% des vétérans des campagnes américaines en Irak et en Afghanistan, soit 300.000 soldats, souffraient de syndromes post traumatiques ou de dépressions sévères. Un chiffre à rapprocher des 19% des soldats qui rapportent avoir souffert de traumatismes crâniens divers.
Pour tenter de mieux comprendre l'impact des explosions sur le cerveau, les chercheurs de la Boston University aidés par des spécialistes des explosions ont soumis des souris de laboratoire à de petites ondes de choc. Et ils ont constaté les mêmes effets physiologiques sur les cerveaux des rongeurs que sur les vétérans et les sportifs. Ils concluent que les traumatismes sont principalement causés par le mouvement violent de la tête sous l'effet du souffle, et non par la surpression violente accompagnant l'onde de choc.
En immobilisant la tête des souris pendant les explosions, aucun effet de perte de mémoire ou de trouble de l'apprentissage n'a été constaté par la suite. Une immobilisation de la tête pourrait normalement éviter ce genre de problème chez l'homme, mais cela risque d'être compliqué à mettre en œuvre pour les soldats et les sportifs en pleine action.
Cyrille Vanlerberghe
Source du texte : FIGARO.FR