Le Grand Théâtre de Genève
Il faut le reconnaître, les dernières saisons du Grand Théâtre ne m'avaient pas convaincu, et les productions qui excitaient ma curiosité m'avaient lourdement déçu ("Les Vêpres Siciliennes" par exemple); les distributions manquaient de cohérence, avec des choix souvent discutables, même si ça et là il y avait de belles découvertes (Alexei Kudrya dans I Puritani), de plus, la présence répétée et presque obsessionnelle de Christof Loy, un metteur en scène dont je n'arrive pas à partager l’univers, finissait par incommoder. Nous verrons en fin de saison 2012 son Macbeth de Verdi, avec une Lady Macbeth inattendue, Jennifer Larmore, et un chef rare dans Verdi, Ingo Metzmacher. Attendons.
Ainsi, le Ring prévu à Genève (une dizaine d'années après celui de Caurier/Leiser) devait-il échoir à Christof Loy, et ce sera en définitive Dieter Dorn qui le réalisera. C'est mieux. Ingo Metzmacher sera au pupitre, un chef toujours apprécié du public, et plus discuté par les orchestres: on verra le Rheingold en mars prochain dans une distribution de bon niveau sans être exceptionnelle (Thomas Johannes Mayer en Wotan) mais on note la Fricka d'Elisabeth Kulman, le Froh de Christoph Strehl, le Fafner de Steven Humes, le Fasolt d'Alfred Reiter...(en mai 2014 la Tétralogie sera présentée en cycle complet).
La saison 2012-2013 présente des atouts non négligeables, avec des choix d’œuvres populaires (Barbiere di Siviglia/Traviata/Butterfly), le retour d'une grande œuvre française (Samson et Dalila), une création de Philippe Fénelon sur Rousseau (JJR), une rareté (Les aventures du Roi Pausole d'Honegger), et un titre de moins en moins rare sur nos scènes(Rusalka). Voilà une saison loin d'être mal composée, et faite à l'évidence pour faire revenir un public qui désertait un peu la salle de la place Neuve.
Philippe Fénelon, après Tchékhov s'attaque à Jean-Jacques Rousseau, l'enfant de Genève dans une création écrite à l'occasion du tricentenaire de Rousseau, JJR, sur un livret de Ian Burton et dans une mise en scène de Robert Carsen. Au pupitre Jean Deroyer, directeur musical de l'Ensemble Court-Circuit et dans la fosse l'Ensemble Contrechamps, la formation genevoise spécialisée dans le répertoire contemporain (Septembre 2012 au BFM)
Toujours en septembre 2012 mais au Grand Théâtre, Alberto Zedda dirigera Il barbiere di Siviglia dans la mise en scène reprise de la production de 2010 de Damiano Michieletto , le jeune metteur en scène italien qui en ce moment perce fortement sur les scènes (voir la Scala). La distribution compte Alberto Rinaldi, Laurence Brownlee, Tassis Christoyannis, un bon trio masculin face à une Rosine espagnole qui entamle une très belle carrière, Silvia Tro Santafé. Alberto Zedda est l'éditeur du Barbiere di Siviglia, sans doute meilleur éditeur que chef d'orchestre, mais cela nous garantit au moins un barbiere philologique.
En novembre, un grand retour, celui de Samson et Dalila, de Saint Saëns, sous la direction du très grand Michel Plasson, dans une mise en scène de Patrick Kinmonth, qui, décorateur et costumier, assumera l'ensemble de la production. Le Samson de Genève sera le solide Alexandr Antonenko qu'on voit souvent en Otello sur les scènes européennes, et sa Dalila la mezzo polonaise Malgorzata Walewska moins connue sur nos scènes, tandis qu'Alain Vernhes sera la Grand Prêtre de Dagon. Tout le monde devrait courir voir cette renaissance.
Pour décembre et les fêtes, une opérette qui devrait aussi stimuler notre curiosité, Les Aventures du Roi Pausole d'Honegger, dirigée par le solide Claude Schnitzler, dans une mise en scène de Robert Sandoz, le metteur en scène suisse originaire de La Chaux de Fonds avec Jean-Philippe Lafont. Là aussi on ira se faire une culture sur un répertoire du XXème pas toujours valorisé sur nos scènes.
En janvier et février, et pour de nombreuses représentations, La Traviata de Verdi, mise en scène de David Mc Vicar, en soi déjà un motif d'intérêt. L'un des titres de gloire du chef Baldo Podic fut de diriger Shirley Verrett dans Cavalleria Rusticana à Sienne (avec un DVD à la clef), mais c'est plutôt une surprise que ce choix. Une distribution faite de chanteurs peu connus, et donc à connaître, notamment avec la jeune soprano grecque Myrto' Papatanasiu (Donna Anna à Vienne, Rusalka à Bruxelles) alternant avec la jeune lettone Inga Kalna en Violetta, et Leonardo Capalbo en Alfredo, un jeune ténor italo-américain qu'on commence à voir sur les scènes françaises, italiennes et allemandes. Seul artiste connu, Tassis Christoyannis en Germont père.
En mars, le Rheingold dont il fut question plus haut, avec Ingo Metzmacher dans la fosse et Dieter Dorn comme metteur en scène, ce qui nous promet un modernisme modéré.
En avril et mai, une Madama Butterfly dans une mise en scène du britannique Michael Grandage qui va mettre en scène Le nozze di Figaro à Glyndebourne en 2012 (où il fit un Billy Budd il y a quelques années) et qui a créé à Londres le musical Evita. Le chef en sera le très correct Alexander Joel, que j'ai à peine entendu à Düsseldorf dans Tosca. La distribution comprend Alexia Voulgaridou en Cio Cio San, cette jolie soprano est plus souvent une Mimi qu'une Butterfly, mais c'est une chanteuse émouvante et le Pinkerton d'Arnold Rutkowski, jeune ténor polonais déjà Pinkerton à Düsseldorf sous l'ère Tobias Richter.
Enfin en juin 2013, une Rusalka de Dvorak, dirigée par le troisième de la lignée des Jurowski, Dmitri Jurowski et mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito (c'est la production du festival de Salzbourg, qui ne vaut pas celle de Stefan Herheim à Bruxelles), avec Camilla Nylund en Rusalka, qui le chantait déjà à Salzbourg, la Jezibaba qui devrait être stimulante de Brigitte Remmert, ainsi que Nadia Krasteva en princesse étrangère et en prince Ladislav Elgr, un ténor spécialiste du répertoire tchèque.
Voilà une saison qui devrait promettre de bon moments sur les rives du Rhône et du Léman. Entre Genève et Lyon, les habitants de la région Rhône Alpes ont de quoi se réjouir, il ne devraient pas manquer d'opéra de qualité en 2012-2013.