Ce soir je veux te dire...
Il y a tant d'ignorance et tant de mépris dans notre pays en souffrance. On a oublié notre histoire, on a oublié les épopées et les combats de nos pères, on a oublié les grands combats pour la liberté, on a oublié les espérances, les chants de lutte, les poings levés... On a oublié que lorsque le peuple uni et conscient avance sur le chemin de sa libération, il est alors dans la quête du bonheur et il n'abandonne jamais un frère, un enfant sur le bord de la route.
Ce soir je voudrais te dire, toi qui lis ces lignes, ce que je ressens : des temps nouveaux s'annoncent. Mais il nous faut retrouver la voix de nos ancêtres, cette voix que les puissants ont etouffée car ils la craignent plus que tout. Celle des sans-culottes, celle des communards et celle de ces hommes venus du monde entier pour défendre notre patrie profanée.
Je suis né douze ans après la Libération de notre beau pays...et j'ai eu cette chance de connaître un temps où les hommes se parlaient avec le regard de l'espérance, avec la voix du partage, où le drapeau rouge était pour des millions d'hommes le symbole de l'émancipation des peuples. J'avais dix ans en 1968. Très tôt je rejoignais le combat, d'abord comme jeune chrétien engagé contre les injustices de ce monde puis comme militant de la jeunesse communiste, dès 14 ans , comme si en moi brûlait l'impatience de changer ce vieux monde, feu qui me dévore toujours et même plus encore qu'auparavant ! J'étais un fils de la révolte, élève d'une école où des professeurs nous enseignaient l'esprit critique et non la compétition, et pour qui nous avions reconnaissance et respect. Nous osions défier tout ce qui représentait l'oppression et nous rêvions d'amour et d'éternelle fraternité. Nous étions empli des idées de nos pères libérateurs, nous lisions Karl Marx, Proudhon, Diderot, Sartre et les situationnistes... Nous déclamions les poèmes que nous écrivions et réinventions le monde chaque nuit en écoutant sur nos tourne-disques le 33 tours vinyls de Ferré, de Ferrat, des Who, des Stones, de Jefferson Airplane, de Jethro Tull et autre Led Zeppelin. Nous ne manquions aucune fête de l'Huma et surtout pas la cité internationale où nous passions des heures avec nos frères du Viet-Nam, de Cuba ou du Chili. Combien de fois avons nous marcher dans les rues à l'appel des Cent pour un monde débarrassé des armes nucléaires, pour Angela Davis, pour que cesse l'atroce guerre du Viet-Nam et plus tard pour arracher Mandela des griffes odieuses de l'apartheid ! J'avais 15 ans quand la CIA et Pinochet mirent fin au rêve de Salvador Allende, qui était celui d'un socialisme démocratique construit par les humbles dans l'unité populaire...Immense blessure en moi quand je vis l'enterrement de Pablo Neruda, ce grand poète chilien et le courage de nos camarades l'accompagnant à sa dernière demeure défiant les putchistes assassins de la démocratie !
Et puis le temps est venu plus sombre encore, la victoire de 1981 qui avait ouvert une espérance en France avec l'élection de Mitterrand s'est transformée en une rapide défaite idéologique...Le combat contre le capitalisme ne fut pas engagé, le nouveau pouvoir ne prit aucune disposition pour encourager les luttes, au contraire il les dissuada causant un désarroi profond dans le pays, laissant place à des manoeuvres politiciennes favorisant la montée de Le Pen et de sa haine et le retour de la droite...Douloureuse expérience, durant laquelle on a défait le tissu progressiste de notre France avec une alternance politique qui n'était que la consécration d'une bi-polarisation PS-Droite permettant au capitalisme d'avancer dans la surexploitation.
Sombre période durant laquelle, les contradictions internes au pays de l'Est qui se réclamaient du communisme ont amené les peuples de ces pays à rejeter un socialisme qui certes avait apporté des progrès matériels et sociaux mais qui refusait aux travailleurs les libertés démocratiques et le droit à leur organisation autonome pour diriger réellement les affaires. Les pouvoirs bureaucratiques de ces Etats dits "socialistes" ne résistèrent pas à l'immense exigence démocratique de leurs peuples, et ils s'écroulèrent. La brèche ainsi ouverte devint un boulevard pour le capitalisme qui fut rapidement restauré au prix de nouvelles souffrances.
Ainsi cette période mit fin au soviétisme dans toutes ces contradictions, celles de l'époque terrible du stalinisme et de ses crimes dont furent victimes des millions de personnes comme celles des avancées enregistrées sur le plan social, ou encore dans l'extraordinaire lutte anti-fasciste qui permit la libération de toute l'Europe par les alliés unis contre le nazisme.
Nous avons vécu ces vingt dernières années une période où le capitalisme a repris son hégémonie sur le monde et où malgré ses promesses de paix, il poursuit partout sa domination provoquant des conflits et des guerres aux quatre coins du monde.
Comment face à de tels événements, les peuples n'auraient-ils pas douté de la perspective de construire une société plus juste et fraternelle alors que le rêve de l'unité des Nations, et celui du socialisme venait en quelque sorte de sombrer ?
Mais la réalité est toujours plus forte car elle porte en son flanc la vérité des faits. Et les faits sont là : le capitalisme ne peut pas résoudre les immenses problèmes de l'humanité, non seulement il en est incapable mais il est la cause principale de leur existence et de leur aggravation.
Des millions de gens en prennent conscience et ce phénomène se produit d'autant plus rapidement, que les connaissances se multiplient et avec elles croissent les nouvelles technologies de communication et les capacités de l'intelligence collective notamment grâce aux ordinateurs en réseaux, tout comme à la socialisation des rapports de production qui porte en elle l'exigence de passer à la propriété sociale des moyens de production.
Le capitalisme est de plus en plus contesté, partout dans le monde, des êtres humains décident de le combattre, de s'en libérer et de construire des alternatives. C'est cette nouvelle époque que nous vivons qui verra sans doute l'avancée progressive d'une révolution mondiale qui se prépare par une quantité très importante de soubresauts sociaux et politiques sur tous les continents.
Qu'est ce qu'une vie dans l'histoire...Et le temps file si vite...Des amis ont disparu, quittant le navire bien trop tôt...Nos peines nous font saigner là au plus profonds de notre coeur ....mais nos souvenirs heureux et le visage de nos enfants, de nos jeunes nous redonnent confiance et à chaque fois, lespoir de reprendre le chemin, de reprendre le combat, malgré tout ! Ainsi lors d'un meeting du Front de gauche, j'étais très ému de voir une multitude de jeunes porter le drapeau rouge et chanter "On lâche rien". Quand je leur ai demandé pourquoi ils étaient là, ils m'expliquèrent que pour eux il n'y avait aucun avenir si l'on continuait ainsi, formés à Bac +4, Bac + 5, ils ne trouvaient que des petits boulots...Ils avaient fait le lien entre leur situation et la responsabilité du capitalisme, ils avaient gagné cette conscience de classe qui manquent encore à tant de jeunes qui ont peut être voté pour l'extrême droite pensant ainsi que leur colère serait utile, mais ignorant la vraie nature de collaboration avec le capital que représente le Lepénisme.
Comme ces jeunes du Front de gauche, je me suis engagé très jeune ...je ne regrette rien, bien au contraire : ma vie a été riche de rencontres, de rires et de sourires, de cette connivence entre ceux qui sont attentifs et apprennent du passé, qui refusent toute haine et tout sectarisme, de ceux qui savent que ce sont les hommes qui font l'histoire, de ceux qui dans leur grande diversité savent qu'ils sont nés pour être libres, pour être heureux !