C'est samedi, c'est Bukowski

Publié le 19 mai 2012 par Pagman

en route vers le haut de l'échelle

mon (futur) éditeur

me trouva un jour, j'étais une pile

de débris humains au milieu

des boîtes de bière et des bouteilles de scotch

dans cette ruelle bombardée de

Hollywood est.

il semblait bien propre et

bien convenable, refusa

le scotch comme la bière, demanda : vous

avez des poèmes ?

je finis ma bière,

balançai la boîte sur le tapis,

rotai, montrai la

porte fermée du placard.

il l'ouvrit et une

montagne de papiers, de

feuilles

empilées, tassées et

fourrées là-dedans,

se déversa.

vous avez écrit tout ça, il

demanda.

récemment, je

répondis.

il sourit et eut une

crise de

lecture.

au fond du

placard était caché un

mannequin que j'avais acheté

chez un

brocanteur.

elle s'appelait Sadie et

était

très sexy...

environ une heure plus tard

mon visiteur repartait avec une cargaison de

poésie.

deux semaines plus tard

il téléphona, dit qu'il voulait

publier une plaquette ou deux de

mes œuvres et qu'il

me postait une

avance.

à propos, ajouta-t-il, vous

n'auriez pas un

roman ?

je vais vous en torcher un,

répondis-je...

je commençai l'après-midi même

et dans la soirée

j'emmenai Sadie

faaire un tour, la bazardai derrière

la maison de deux

vieux, rentrai et

me servis un grand scotch pour célébrer

ma nouvelle vie.

Sadie avait bouché un

trou

mais

en tant que professionnel

de la plume je

n'avais plus guère besoin de

telles activités

vides...

et il ne me fallut pas

attendre bien longtemps avant

que les vraies Sadie se mettent

à rappliquer, mais aucune

n'était

aussi gentille et calme que

l'originale

ni aussi facile

à bazarder

ou

à oublier

mais il est, naturellement,

beaucoup plus facile d'écrire

sur elles, ce que j'ai

fait.

CHARLES BUKOWKI

in "Le ragoût du septuagénaire" (page 247, Livre de Poche).