Vu sur Baignades des chiens : attention aux cyanobactéries !
Cyanobactéries
A l’approche de l’été, je souhaiterais vous parler d’un type d’intoxication peu évoqué mais qui fait des morts, chaque année, parmi nos animaux domestiques.
Je veux parler de l’intoxication par les cyanobactéries présentes dans les eaux stagnantes comme les étangs ou les lacs.
Le but de cet article n’est pas de vous rendre paranoïaque sur les baignades de votre chien, mais de vous sensibiliser sur les risques et les dangers de ces cyanobactéries présentes à la surface de l’eau.
Nous allons d’abord définir ce qu’est une cyanobactérie.
Cyanobactéries
Une cyanobactérie est un microorganisme qui est à la fois une bactérie et une algue.
Il s’en suit une petite guéguerre dans la terminologie entre les botanistes et les biologistes.
Une cyanobactérie est formée d’une ou plusieurs cellules et se présente comme un fin filament contenant un pigment de couleur bleu (d’où leur nom : Cyano qui veut dire bleu en Grec) .
Quand elles prolifèrent à la surface de l’eau, c’est ce pigment qui donne cette couleur caractéristique de bleu vert que vous avez déjà constatée à l’approche d’un étang ! On peut aussi avoir des algues qui donnent une coloration rouge !
En fait, ce microorganisme renferme de la chlorophylle aplha et produit de l’oxygène (par photosynthèse) comme les algues.
Mais, comme les bactéries, elle n’a pas de membrane nucléaire, pas de mitochondries, pas de réticulum endoplasmique et a une paroi cellulaire à coloration Gram négatif.
C’est pourquoi, les botanistes les appellent les algues bleues ou Cyanophycées et les biologistes les appellent les cyanobactéries.
Les cyanobactéries sont les microorganismes les plus anciens sur terre produisant de l’oxygène par photosynthèse. (ils existent depuis plusieurs milliard d’années.) Ce sont eux qui ont offert, les premiers, l’oxygène à notre planète grâce à leur chlorophylle !
Où trouve-t-on les cyanobactéries ?
On les trouve dans tous les pays du monde, aussi bien en milieu aquatique (eau douce ou salée) qu’en milieu désertique.
Ils sont très résistants, peuvent vivre dans des conditions extrêmes et supporter des températures élevées (+ de 55°), seul un ph acide (<4) peut les détruire .
Ils sont capables de se multiplier très vite, lorsque les conditions sont favorables et produire un amas à la surface de l’eau que l’on appelle l’efflorescence ou bloom ou encore “ les fleurs de l’eau “
Vous avez certainement déjà constaté ce phénomène, voici une photo d’efflorescence :
En grand nombre à la surface de l’eau, ces cyanobactéries ressemblent à une “soupe aux pois” avec une couleur bleu-vert. Cet amas peut être soufflé par le vent et être amené près des côtes ou berges rendant ainsi possible, par ingestion, sa toxicité pour les animaux domestiques et les enfants.
Pour vous donner un chiffre :
On peut constater ce phénomène (l’efflorescence) à partir de 10.000 cellules / ml d’eau et pour avoir cet aspect de “soupe”, il faut plusieurs millions de cellules / ml.
Attention, toute efflorescence, n’est pas synonyme d’eau contaminée par des cyanobactéries toxiques !
Comment expliquer cette prolifération de cyanobactéries ?
Plusieurs facteurs peuvent provoquer la prolifération de ces cyanobactéries :
1) la température élevée de l’eau (surtout en été) : la température la plus favorable est 25°C.
2) l’eau qui stagne ou une rivière peu profonde avec un courant très faible
3) l’excès de phosphore et d’azote.
C’est l’homme qui est responsable du taux de phosphore dans ces eaux . Les eaux usées mal traitées, les engrais dans les champs, les fumiers, le déboisement font que les eaux de ruissellement arrivent dans ces points d’eau avec un taux de phosphore trop important. Ce taux trop élevé est responsable de la prolifération de ces algues bleu-vert.
La présence de cyanobactéries en grande quantité traduit la qualité de l’eau : la présence de cyanobactéries dans un point d’eau (étang, lac,…) n’est pas bon signe et confirme la présence de produits nocifs, tels qu’insecticides, pesticides, métaux lourds ….qui sont toxiques pour de nombreuses espèces.
En clair, dès que le milieu se dégrade, les cyanobactéries apparaissent !
Au début, elles jouent un rôle d’EPURATEUR, mais lorsqu’elles sont en trop grand nombre, c’est l’effet inverse : elles asphyxient le milieu.
Lorsqu’elles sont en trop grande quantité, elles rendent l’eau opaque, occupent tout l’espace et asphyxie littéralement les autres phytoplanctons.
Ce phénomène s’appelle l’eutrophisation de l’eau:
Généralement ces proliférations ne durent que quelques jours car les pluies, les vents violents ou la chute de la température sont des facteurs qui stoppent cette croissance anarchique
Les cyanobactéries ne sont pas toutes toxiques.
Toxicité des cyanobactéries
Certaines cyanobactéries produisent des toxines qui sont de trois types :
1 ) des hépatotoxines (Microcystis aeruginosa, Nostoc sp., Oscillatoria agardhii, etc), : provoquent des lésions au niveau du foie
2) des neurotoxines (Anabaena flos aquae et Aphanizomenon flos aquae) : atteintes au niveau du système nerveux
3) des dermatotoxines. : atteintes au niveau de la peau .
Microcystis aeruginosa est la cyanobactérie toxique la plus répandue
Les hépatotoxines :
On a deux types d’hépatotoxines : les microcystines et les nodularines.
Ces toxines provoquent une nécrose très rapide du tissu hépatique.
La mort est due à un choc hypovolémique par une hémorragie importante au niveau du foie
Les neurotoxines :
On a comme neurotoxines : l’anatoxine A , l’anatoxine-A (S) et les aphantoxines
La toxine la plus connue est l’anatoxine A dû à la cyanobactérie Anabaena flos aquae
Cette toxine provoque une paralysie des muscles respiratoires et provoque la mort par asphyxie.
Cette mortalité peut survenir quelques minutes à plusieurs heures après ingestion, tout dépend de la dose.
L’anatoxine -A (S) provoque les mêmes lésions avec en plus une salivation intense.
Les dermatotoxines :
On a deux types de toxines produites par des cyanobactéries marines (eau de mer) : l’aplysiatoxine et les lyngbyatoxines .
Ces toxines provoquent des dermatites (inflammations au niveau de la peau) lorsque les baigneurs rentrent en contact avec ces filaments.
On peut rencontrer ces différentes cyanobactéries toxiques dans TOUT l’hexagone, dans n’importe quel point d’eau.
Intoxication par les cyanobactéries chez nos chiens
Nos animaux domestiques peuvent être intoxiqués par ces cyanobactéries toxiques.
Il est très difficile de déterminer, à la vision, la toxicité des cyanobactéries aperçues sur un plan d’eau. Seuls des tests en laboratoire peuvent le confirmer.
Lors de promenades avec nos chiens le long des rivières, ruisseaux ou berges d’étang, il n’est pas rare que nos compagnons plongent dans cette eau ou en boivent.
Quelques gorgées de cette eau contaminée sont suffisantes pour entrainer une intoxication qui peut être mortelle.
Signes cliniques d’intoxication
On a deux types d’intoxications :
1) Avec les toxines hepatotoxiques ( microcystines)
Vomissement
Diarrhée sanguinolente
Selles très noires (aspect goudronneux)
Léthargie- faiblesse
Gencives et muqueuses pâles ( rappelez-vous hémorragie intra-hépatique)
Ictère (muqueuses jaunes dues à des atteintes du foie)
Etat de choc ——> mortalité par choc hypovolémique (hémorragie)
2 ) Avec les toxines neurotoxiques ( anatoxines)
Hyper salivation
Tremblements musculaires (fasciculations)
Incapacité de se déplacer – ataxie
Crises épileptiformes
Gencives et muqueuses bleues (cyanosées) dû à la difficulté de respirer
Paralysie des muscles respiratoires —> asphyxie —> mortalité .
Quelques cas d’intoxications canines en France :
1) En 2002, dans les gorges du Tarn, 26 chiens ont été intoxiqués par des cyanobactéries provoquant des mortalités rapides avec des signes neurologiques.
C’est la neurotoxine (anatoxine A) qui fût incriminé.
2) En 2003, lors des fortes chaleurs, trois chiens furent également intoxiqués dans le jura sur la rivière “ La Loue”.
3) L’année dernière (2011), deux chiens ont succombé à ce type d’intoxication dans les gorges du Tarn. ( Un deuxième chien est décédé après s’être baigné dans la rivière du Tarn, à Mas-Saint-Chély (Lozère))
Traitement de l’intoxication aux cyanobactéries
Si vous constatez un de ces signes cliniques après une baignade ou un abreuvement, dirigez-vous immédiatement vers une clinique vétérinaire.
SI vous en avez la possibilité, prenez un échantillon de cette eau (dans un récipient) afin d’en faire l’analyse dans un laboratoire.
Il faut savoir qu’une fois les signes d’intoxication sont présents, le pronostic est mauvais. Il n’existe pas d’antidote contre les toxines produites par les cyanobactéries.Seul un traitement symptomatique peut être mis en place , à savoir :
Perfusion de Ringer lactate ou de chlorure de sodium dans le but de maintenir les fonctions cardio-circulatoires, hépatiques.
Tenter d’éliminer les toxiques avec des absorbants digestifs (type charbon végétal)
Mettre sous Diazépam(Valium) pour calmer les convulsions et garder le chien au calme, dans l’obscurité
En cas de salivation, injecter de la sulfate d’atropine/ glycopyrrolate.
Le blocage respiratoire dû aux neurotoxiques est d’une durée très longue et c’est la raison pour laquelle la mortalité est la seule issue !
Conclusion :
Voilà, maintenant vous savez les risques de ces cyanobactéries sur les plans d’eau.
Je le répète, mon but n’est pas de vous convaincre d’interdire toute baignade de votre chien dans les points d’eau douce.
Loin de là, car étant moi-même propriétaire d’un chien qui adore l’eau ( Golden retriever) , je suis souvent confronté à ce type de situation et je vous avouerai que j’apprécie énormément ces moments.
Mais soyez attentif, observateur à l’approche d’une source d’eau ( rivière, ruisseau, lacs, étangs ) .Ayez du bon sens !
SI vous remarquez une couleur anormale de l’eau (bleu ,verdâtre ) ou la présence de cette efflorescence , alors je vous conseille vivement d’éloigner votre animal de ce point d’eau et d’éviter tout défoulement ou abreuvement de cette eau .
Soyez surtout prudent durant les périodes estivales, saison où la prolifération des cyanobactéries est la plus fréquente .
Je vous signale qu’il existe un site internet Français sur la qualité des eaux de baignade en France et qui est mis à jour tous les jours par la DDASS.
Vous pouvez visiter ce site à cette adresse : http://baignades.sante.gouv.fr/editorial/fr/accueil.html
Encore un petit conseil : après une baignade de votre chien dans un point d’eau, rincez le abondamment à votre retour.
Ne laissez pas votre compagnon se lécher son pelage sans l’avoir rincé auparavant !
Les humains ne sont pas épargnés par ces cyanobactéries, des épisodes de gastro-entérite et des dermatoses sont signalés chaque année, surtout parmi les enfants.
Cyanobactéries
Cet Article provient de Conseils Vétérinaires de Patrick - Les Conseils en ligne du Dr Vétérinaire Patrick