Au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, Arnaud Montebourg s’est vu attribuer le ministère du « redressement productif ». Un ministère dont le surprenant intitulé ne dit rien sur la politique qu’entend mener celui qui en a la charge.
Par Frédéric Wauters.
Arnaud Montebourg et Jean-Marc Ayrault le 15 mai 2012 à l'Hôtel de ville de Paris.
Voilà donc Arnaud Montebourg nommé ministre du « Redressement Productif », un maroquin qui aurait sans doute mieux convenu à Marc Dorcel, si du moins on se fie au nom. Mais si seulement ce nom était le seul problème…
Protectionnisme et interventionnisme…
Les contours du nouveau ministère sont encore flous, tout comme la politique qu’entend mener celui qui en a la charge. Cependant, les premières déclarations d’Arnaud Montebourg laissent déjà deviner la direction prise, comme en témoigne cet extrait du Huffington Post :
“Le producteur, l’entrepreneur, le chef d’entreprise, le créateur, l’ingénieur, le travailleur sont ceux qui assurent la prospérité d’un pays et sans eux, impossible d’imaginer un avenir”, a-t-il continué en insistant sur le fait que le pays aura besoin “d’imagination, de créativité, d’audace et de réalisme”.
“La France a besoin d’imaginer les nouvelles frontières de son économie et de son industrie”, a-t-il affirmé, avant de souhaiter à son prédécesseur François Baroin “bon vent pour la suite”.
L’article du Huff Post note en outre qu’Arnaud Montebourg se verra sans doute chargé de mettre en œuvre la promesse de François Hollande : une loi contraignant les industriels se désengageant d’une usine française à la céder à un repreneur.
… vous avez dit “colbertisme”?
En clair, donc : politique industrielle interventionniste et protectionnisme (“imaginer de nouvelles frontières”). Bref, le grand retour du colbertisme, si du moins il a un jour quitté la France. Car c’est là l’ironie : le président sortant, Nicolas Sarkozy, avait lui aussi fait de la création de “grands champions nationaux” l’essentiel de sa campagne. Le colbertisme, nous apprend Wikibéral,
…est une doctrine économico-politique interventionniste élaborée par Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) et menée sous le règne de Louis XIV. C’est un des premiers courants de pensée en économie. Elle est la variante française de la théorie économique du mercantilisme dont les principales caractéristiques sont la thésaurisation des richesses (or, argent …), la protection du marché intérieur (protectionnisme), l’octroi de subsides à l’exportation et la mise en place de commandes publiques. Elle est également influencée par la physiocratie.
Même si une telle doctrine tolère une certaine liberté du commerce, elle n’est pas d’essence libérale. Elle recherche systématiquement un excédent de la balance des paiements, ce qui permet à l’État de s’enrichir et de constituer une armée puissante (principal but sous Louis XIV). Le terme de colbertisme est employé aujourd’hui par les étatistes français pour justifier la part plus importante de l’intervention de l’État dans l’économie française en comparaison avec les autres pays occidentaux, une “exception française” qui serait ainsi justifiée historiquement en invoquant la figure prestigieuse du ministre de Louis XIV.
Avec cela, tout est dit.
L’autoroute de la servitude
Malheureusement pour la France, l’essentiel de la création de richesse n’est pas l’apanage des grandes industries dont les gouvernements successifs se veulent les champions. Elle est principalement assurée par les PME et les TPE, qui sont aussi, comme en Belgique, les principales créatrices d’emplois. Or, si le climat anti-entrepreneurs est déjà détestable en Belgique, il est encore plus marqué en France, où de nombreux tribunaux (notamment les tribunaux du travail) prennent systématiquement le parti des travailleurs, et où la fiscalité punitive pousse de nombreux entrepreneurs à l’exil.
Le protectionnisme, que le gouvernement Hollande entend à nouveau appliquer, ne sauvera pas l’économie française du désastre. Le protectionnisme est une doctrine absurde qui poussera le pays et ses citoyens à la ruine. Et c’est un Français qui l’a démontré de la manière la plus éloquente: l’économiste Frédéric Bastiat, auteur de la célèbre « Pétition des fabricants de chandelles », à qui je laisserai le dernier mot de cette chronique :
La question, et nous la posons formellement, est de savoir si vous voulez pour la France le bénéfice de la consommation gratuite ou les prétendus avantages de la production onéreuse. Choisissez, mais soyez logiques; car, tant que vous repousserez, comme vous le faites, la houille, le fer, le froment, les tissus étrangers, en proportion de ce que leur prix se rapproche de zéro, quelle inconséquence ne serait-ce pas d’admettre la lumière du soleil, dont le prix est à zéro, pendant toute la journée ?
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Sur le web.