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La vie est brève et le désir sans fin

Par Irreguliere

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Car à cet instant — ils marchent un peu dans le fond du parc, à l'abri des regards —, marié ou pas marié, Spencer ou pas Spencer, la question de savoir si oui ou non il est en train de commettre une bêtise ne pèse pas très lourd face à la certitude brutale que cette fille lui est destinée.

C'est à la fois quelque chose de très fort et d'inévitable. Ce qui l'étonne d'ailleurs ce n'est pas que ce soit aussi fort, mais que ce soit aussi inévitable.

Je voulais lire ce roman depuis sa parution. Pas à cause du résumé, que je n'avais pas lu, pas à cause du prix Femina, pas à cause d'articles élogieux que j'aurais lus. Non, à cause du titre, juste à cause de quelques mots qui m'ont fait rêver ce roman... qui est désormais disponible en poche.

Louis Bleriot a 41 ans. Il est marié à Sabine mais, et c'est un peu cliché, leur couple ne va plus très fort. Il attend qu'elle le quitte, ce qu'elle ne fait pas. Il y a deux ans, il a rencontré et aimé Nora, avant qu'elle ne le quitte pour un autre. Depuis, il l'a attendue et aujourd'hui, Nora vient d'appeler. Et, à nouveau, Louis plonge et revit, pendant que de l'autre côté de la manche, Murphy Blomdale, que Nora vient de quitter à son tour, s'étiole...

Patrick Lapeyre montre ici un curieux traitement de l'espace-temps, qui donne le sentiment d'être quelque part, en suspension entre plusieurs mondes possibles dont on ne sait finalement jamais bien lequel est le vrai, et cela nous donne un roman tout ce qu'il y a de plus particulier, écrit dans une très jolie langue, poétique mais simple, une écriture visuelle et sensuelle, presque cinématographique par moments, émaillée de métaphores et de comparaisons d'une grande originalité. Et puis, c'est évidemment bien plus qu'une simple histoire d'adultère, plus complexe et plus subtil. Malgré les faits, le personnage de Louis, aussi lâche soit-il, m'a beaucoup touchée : velléitaire, compulsif, un peu perdu, il me ressemble beaucoup. Quant à Nora, on a là un personnage d'une profondeur étonnante : mystérieuse, fascinante, solaire, lumineuse, rayonnante au milieu de sa cour bourdonnante d'hommes en pâmoison, elle est de ces femmes "qui instille[nt] dans le coeur des hommes le regret des vies qu'ils ne vivront jamais" ; mais elle est aussi complètement perdue, d'une indépendance farouche et en même temps jalousement possessive. Un peu folle aussi, mais dans certaines situations nous sommes sans doute tous capables de perdre la raison... un magnifique portrait de femme, dans un magnifique roman !

Cet auteur sait parler d'amour, de ses douleurs, de ses joies, de ses espoirs et désillusions, de manière très sensible. A relire !

La vie est brève est le désir sans fin

Patrick LAPEYRE

POL, 2010 (Folio, 2012) — Prix Femina 2010


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