Quelle agréable surprise ce fut alors d’être happée malgré, mais peut-être grâce, à certains égarements qui entretenaient mon qui-vive. Persistait la sensation d’errer sous les toits de chambres sombres, d’où l’on ne discerne pas les pourtours du pouvoir que l’amour peut générer sur l’autre.
Il y a bien ce Simon et cette Noémie, deux inconnus au départ, qui se rencontrent en terre étrangère, le Japon, détaillés parce qu’exposés à la clarté de néons de restos et de couloirs d’hôtel. Une étincelle surgit entre leurs vies, mises entre parenthèses, mais le passé de Simon s’interpose. Une part de ce passé, qui tient dans une main a la forme du roman de l’écrivaine de renom Ellen Cleary, Un théâtre de marionnettes. Très jeune homme, il a vécu une histoire tortueuse avec cette femme, que l’on peut sans peine traiter d’ogresse.
Cet amour dévorant m’a interpelée au point où je brûlais d’enfiler l’histoire d’une traite, mais l’auteur aime faire languir, joue avec les ficelles des histoires et du temps. Et c’est un art qu’il maîtrise ! Cette grande dame de l’écriture, en surface, n’est qu’une écrivaine à succès, mais les coulisses de sa vie sont fascinantes. C’est par Simon, qui y a joué un rôle primordial pour lui (mais combien importante pour elle ?) qu’on y a accès.
Une fable s’insère également, écrite par Ellen Cleary ; je la prenais sans en faire grand cas, une épice piquante relevant le degré d’anxiété. La crise de couple que vit Samuel, médecin chercheur et père, s’intercale régulièrement, mais nous resterons sur notre faim jusqu’à la fin. Ce n’était peut-être pas l’essentiel du propos mais le lien entre son passé et ce présent aurait pu être clarifié.
Stéphane Choquette a tiré plusieurs ficelles et je salue encore sa hardiesse. Son roman m’a transformée en ogresse voulant avaler l’histoire d’une seule bouchée, prenant le risque de m’étouffer, tellement mon plaisir était grand.
La romance des ogres, Stéphane Choquette, Québec-Amérique, 2012, 491 pages