Magazine Culture
En 1980 il n’y avait aucune image de Joy Division, vraiment aucune. Il n’y avait que des pochettes de disque, celle d’Unknown Pleasures : les restes d’une étoile (100 consecutive pulses from the pulsar CP 1919) celle de Closer : la photographie d’une statue dans un cimetière à Gênes. Il n’y avait que ces pochettes énigmatiques et l’on ne savait presque rien de Joy Division. On savait uniquement que le chanteur : Ian Curtis avait eu la drôle d’idée de se pendre dans sa salle de bains. On ignorait tout du reste : l’humour limite qui entourait le groupe, cette division de la joie et cette raideur poseuse qui venait tout autant de Rudolf Hess que du David Bowie berlinois. Il n’y avait que la musique et rien pour nous en détourner et surtout pas des images, de la pose, de l’humour (noir) et du look. Cette musique sans images nous étions très peu à l‘aimer, elle n’engendrait que haussements d’épaules et circonspection chez les quidams ordinaires du rock ordinaire, il la trouvait sinistre, méprisaient ceux qui l’aimaient et j’imagine qu’aujourd’hui ils trouvent Joy Division et Ian Curtis « pas mal » quand ils les voient sur You Tube. L’iconisation de Ian Curtis est venue bien plus tard. En France il a fallu attendre 1982 pour voir le vidéo-clip de Love Wil Tear Us Apart (chez Bernard Lenoir, j’en frissonne encore), puis il y eut des photos, des livres, des films, ce culte idiot autour de l’image de Ian Curtis, un christ postpunk sacrifié sur l’autel des années 80, alors qu’il n’était qu’un gars ordinaire assailli par des problèmes compliqués. On aurait préféré qu’il ne meure pas, mais il est mort, on le préférera toujours fantôme qu’icône, on préférera toujours les fantômes aux icônes. Oui Ian Curtis est un fantôme, un fantôme de 20 ans que vous pouvez voir dans ce long vidéo-clip granuleux, là en dessus