Le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) a annoncé qu'il consacrera pour la première fois un chapitre dédié au lien entre le changement climatique et la sécurité dans son prochain rapport à paraître début 2014. Les scientifiques vont donc se pencher sur la capacité des États à faire face au changement climatique, aux conflits et aux migrations.
Les principaux auteurs ont rédigé une première version, qui est en cours d'examen par les experts des différents pays. Le document s'appuie sur l'analyse d'un millier d'études publiées sur le sujet.
Ce domaine comporte énormément de "littérature grise" qui, contrairement aux articles publiés dans les revues scientifiques, n'est pas soumise à l'évaluation des pairs. A ce titre, un atelier de recherche sur ce thème, organisé par l'Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et les ministères britanniques et français de la défense s'est tenu la semaine dernière à Paris et a permis d'avoir une discussion sur les articles de fond qui vont alimenter le chapitre du GIEC.
La question la plus discutée par les quelque quarante chercheurs réunis, surtout anglo-saxons, a été le lien entre changement climatique et déclenchement de guerres. Une revue des études existantes a conduit Solomon Hsiang, de l'université de Princeton (Etats-Unis), à conclure à une corrélation très forte entre des variations climatiques de grande ampleur et les conflits étudiés. Une affirmation sévèrement critiquée par Halvard Buhaug, du Centre pour l'étude des guerres civiles (Oslo), pour qui "une corrélation sans explication ne conduit qu'à la spéculation".
Dans le débat qui a suivi, M. Hsiang a estimé qu'"on est dans la même situation que les épidémiologistes qui constataient il y a plusieurs décennies le lien entre cancer et tabac sans pouvoir en expliquer la raison". Si les experts s'accordent à penser que le climat peut jouer un rôle dans des situations conflictuelles, le consensus n'est pas établi sur le fait qu'il puisse en être la cause principale.
Les chercheurs admettent cependant que le climat ne peut être considéré isolément. Le mode de développement des pays, la force des institutions ou le degré d'inégalité qui y règne doivent être pris en compte. De même, la rivalité pour des ressources rares, éventuellement stimulée par le changement climatique, ne conduit pas forcément à des conflits. Ainsi, Giorgos Kallis, de l'université autonome de Barcelone (Espagne), a montré que, contrairement au lieu commun, on n'observe pas de "guerres de l'eau", mais bien plus des formes de coopération pour gérer la ressource convoitée.
La rivalité en Arctique, dont l'accès est libéré par le réchauffement, ne semble pas non plus devoir prendre un tour belliqueux. En fait, dit Paul Arthur Berkman, de l'université de Californie, "le changement climatique peut conduire au conflit, mais tout autant à des stratégies de coopération. Il suit une logique de pensée globale, qui pousse à construire des intérêts communs, à une réponse coordonnée du genre humain à ce danger".
Peu de certitudes, mais des méthodologies et des questions qui se précisent. "L'étude du climat et de la sécurité humaine est une science qui naît", dit Niel Adger.
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