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Ayrault et compagnie

Publié le 18 mai 2012 par Toulouseweb
Ayrault et compagnieDes dossiers aéronautiques épineux attendent le nouveau gouvernement
Le nouveau Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et son équipe paritaire de trente-quatre ministres et ministres délégués, sont au travail. Leurs priorités relèvent très normalement de l’économie, de l’emploi, du social et il n’est pas inattendu que l’on cherche vainement, dans les propos de la première heure, la moindre allusion à l’aéronautique, quelques mots à peine sur la Défense et rien sur le domaine spatial. Dont on se demande d’ailleurs de quel ministre relève ce secteur, mentionné nulle part.
Jean-Yves Le Drian (notre illustration), fidèle de longue date du Président Hollande, est un nouveau venu, élu de Bretagne, élu député pour la première fois en mars 1978. Il a été vice-président de la commission de la Défense nationale et rapporteur du budget de la Marine à l’assemblée nationale. A ce titre, il s’est familiarisé avec les problèmes qu’il va désormais traiter à temps complet. De plus, il était acquis depuis un bon moment que la Défense lui reviendrait en cas de victoire de la gauche à l’élection présidentielle et il s’y était préparé, notamment grâce à des contacts noués à Washington. Tout porte à croire qu’il sera accueilli favorablement par les militaires.
A court terme, le retrait accéléré des troupes françaises stationnées en Afghanistan dominera certainement l’actualité. Mais, au-delà, il lui faudra notamment aborder la part européenne de la défense antimissile de l’OTAN puis jeter les bases d’un débat national sur la Défense évoqué par le nouveau Président de la République alors qu’il n’était encore que candidat à la fonction suprême. La continuité semble assurée, il n’a jamais été question de remettre en cause la Force nucléaire de dissuasion et, d’entrée, l’équipe Ayrault semble avoir bien compris la véritable importance économique de l’industrie de la défense. Encore lui faudra-t-il se préparer à gérer une impasse budgétaire qui va nécessairement conduire à des choix difficiles.
Un nouveau document de l’IFRI évoque cette véritable quadrature du cercle (1). L’auteur, Martial Foucault, professeur agrégé de science politique à l’Université de Montréal, bénéficie d’une liberté d’appréciation et de langage liée à sa position excentrée. Il souligne que le Livre blanc de 2008 affiche des objectifs «vite apparus comme irréalistes, compte tenu de la rapide détérioration des finances publiques». Et d’ajouter que «la séquence électorale du printemps 2012 aurait pu être l’occasion d’apporter des éléments de réponse». Mais il n’en a rien été, la Défense ayant été absente des débats publics. Reste la difficulté à laquelle va être confronté Jean-Yves Le Drian, résumée comme ceci par Martial Foucault : trouver un équilibre de plus en plus instable entre une politique de Défense ambitieuse et des ressources de plus en plus rares. De 1980 à 2010, le PIB français a progressé en moyenne de 1,7% et le budget de la Défense de 0,15%.
Le nouveau ministre a sans doute déjà compris l’importance des exportations militaires : elles permettent d’allonger les séries et de réduire les coûts unitaires des matériels, elles soutiennent l’emploi et renforcent la balance commerciale. Un exemple est dans tous les esprits : l’avion de combat Rafale est peut-être à la veille de connaître de premiers succès. Mais ils impliquent un soutien gouvernemental sans faille, conduit avec prudence et savoir-faire, dans la durée. Les prédécesseurs de Jean-Yves Le Drian n’avaient pas compris cette évidence.

Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux Transports (et à l’économie maritime) devrait très vite comprendre que la tâche qui l’attend est marquée par une extrême complexité et quelques dossiers délicats, sinon explosifs. Air France est le premier d’entre eux : la compagnie est en très mauvaise posture financière, malgré la bonne tenue de son trafic. On dit, ici et là, qu’elle ne pourra pas éviter un plan social qu’elle aurait enfoui au fond d’un tiroir en attendant patiemment le résultat de l’élection présidentielle. Air France est une poudrière sociale marquée par de puissants corporatismes, qui a mal résisté aux récentes difficultés conjoncturelles en même temps qu’aux attaques violentes et répétées de la concurrence low cost. C’est un sujet difficile, à traiter d’urgence, même si Air France, en principe, ne peut compter que sur elle-même, tout aide financière étatique étant exclue par la Commission européenne.
Le nouveau ministre, dès la fin du mois prochain, devra aussi se préparer à l’onde de choc que produira le rapport d’enquête final du BEA sur l’accident du vol Rio-Paris AF 447 du 1er juin 2009. Aucune révélation n’est attendue, si ce n’est que ce document pointera les faiblesses de la compagnie en matière de formation de ses équipages long-courriers et la difficulté de dialoguer avec un personnel navigant technique qui peine à s’extraire de sa tour d’ivoire et ne supporte pas la critique.
Autre problème, au demeurant inattendu, la tentation de délocalisation qui saisit de petites compagnies aériennes françaises confrontées à une concurrence de plus en plus sévère. Elles souffrent, elles aussi, de coûts trop élevés et, de ce fait, rejoignent des problèmes qui vont bien au-delà du secteur de l’aviation commerciale.
Enfin, tôt ou tard, quand se terminera le moratoire opportunément décidé récemment, le dossier sensible du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes reviendra tel un boomerang. Or les hasards de la vie politique font curieusement les choses : la France n’a pas construit de nouvel aéroport depuis Roissy-CDG, inauguré en 1974. «NDDL», destiné à remplacer Nantes-Atlantique, projet dont l’origine remonte aux années soixante, est non seulement situé en Bretagne mais est aussi l’enfant chéri de Jean-Marc Ayrault. Il a de ce fait affronté les critiques véhémentes des écologistes, d’agriculteurs refusant d’être expropriés et celles de résidents opposés à cette initiative. Le moratoire électoral vient de calmer le jeu mais le dossier n’est pas refermé pour autant.
Si Frédéric Cuvillier a pu croire qu’il héritait d’un «petit» ministère, il s’apercevra très vite qu’il n’en est rien.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(1)«Budgets de la Défense en France, entre déni et déclin», dans la revue Focus stratégique de l’IFRI, numéro d’avril 2012.

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