florence j.
Chaque soir, ses vêtements sur le balcon,
elle plonge dans le crépuscule.
Sans fin, elle nage entre les perches
des filets que relèvent à marée basse les pêcheurs.
Et quand sa mère se désespère
ou que les dernières fenêtres s’éteignent
dans un contexte de neige fondue,
riche de tous les mouvements possibles ou imaginables,
elle regagne sa peau.
*
anonyme
Elle se souvient d’un tas de choses
dont elle ne se souvient pas vraiment.
Elle n’a tenu aucune des promesses
d’une allure qui faisait d’elle une élève miraculeuse.
Maigre du visage, des bras et des jambes,
les joues aussi fripées que ses cheveux
sont en baguette de tambour, elle a perdu
ces yeux qui interrogeaient.
Ils lui servent maintenant
à contempler dans la file le dos qui la précède.
*
près du flipper
Jeunes mecs autour d’une bière,
mutiques et anguleux comme si leur âme
avait quelque chose d’un bois tordu.
Avec des épouses le menton
sur des poignets d’une autre planète,
cette race de mâles peuple les villages,
construit des charpentes,
remplit des caddies et vous indique le chemin
avec des tournures révélatrices
d’une intégration parfaite à nos mœurs.
Pourtant, que la chasse reprenne et elle redevient
capable de tout, notamment d’abattre
un chien fidèle ayant perdu l’odorat.
*
crypte
Époux l’un contre l’autre endormis,
aussi parfaitement sereins
que si toujours ils avaient joui ensemble,
que si l’éternité était un sommeil.
Émus, des amoureux sortent au grand jour.
Les tulipes, les pivoines manifestent une attente…
Ils sont des comédiens qui vont reprendre le rôle
et se demandent comment faire mieux.
Gérard Noiret, Autoportrait au soleil couchant, partie sous la signature de Viviane Ledéra, p.63, 64, 78 et 79, éditions Obsidiane, 2011.
[Choix d’Ariane Dreyfus]
Gérard Noiret dans Poezibao :
bio-bibliographie, ext. 1, autoportrait au soleil couchant (A. Emaz)