Et un chef-d'oeuvre de plus !
Après un exceptionnel « Un Prophète », drame carcéral d’une intensité inouïe, couronné du Grand Prix de l’édition 2009 du Festival de Cannes, on se demandait quel allait être le retour de Jacques Audiard sur la croisette. Finalement, c’est par la très grande porte, en fracassant tout sur son passage, que le réalisateur réapparaît sur la Côte d’Azur, nous exposant un film maîtrisé de bout en bout. Tel un marionnettiste, Audiard, dans une direction d’acteurs parfaite, s’amuse à malaxer et à écorcher ses personnages, leur livrant une densité et une profondeur accentuées par leur complexité et instabilité. Perdus, écorchés vifs, les deux protagonistes principaux (Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts) naviguent en eaux troubles dans ce récit insaisissable, affrontant les vagues les unes après les autres sans jamais pouvoir les prédire, fugacité de leurs agissements qui dicte le rythme du métrage avec force.
Expressionniste, Audiard parvient à filmer cette romance avec une telle véracité qu’elle en devient effrayante, le spectateur plongeant dans une intimité à laquelle il n’était pas préparé. Une vérité criante émane de chaque plan, nous donnant au fil des images une claque de plus en plus forte jusqu’à nous mettre KO. Le montage est d’une qualité époustouflante, les heures de pellicules se transformant en leçon de cinéma, notamment dans la scène de l’accident, exemplaire de l’onirisme qui s’empare de ce long-métrage organique. De plus, la bande-son sonne comme un écho à la musicalité des dialogues, renforçant le lyrisme auquel on a succombé.
Mais si ce « De rouille et d’Os » parvient à être aussi efficace, c’est aussi, en grande partie, grâce au talent incontestable des deux acteurs principaux, Marion Cotillard, étincelant à chacune de ses répliques et Matthias Schoenaerts, d’une intensité brutale époustouflante. Lorsque ces deux-là se rencontrent à l’écran, l’alliage des deux joyaux est parfait, un simple regard suffisant pour faire passer les émotions.