Voici que tu laisses ton troupeau, divin Berger, dans cette vallée profonde, dans la nuit, dans la solitude et les pleurs, et toi, brisant l’air pur, tu regagnes l’immortel refuge !
Fortunés jusqu’à cette heure et maintenant affligés, tes enfants nourris sur ton coeur, vers qui tourneront-ils, dépossédés de Toi, leurs visages avides ?
Les yeux qui virent la beauté de sa face, que regarderont-ils qui ne rebute leur regard ? Les oreilles qui entendirent la douceur de ta voix, à quelle voix ne seraient-elles désormais rebelles et sourdes ?
Cette mer tempétueuse, qui la maîtrisera ? Ce vent sauvage, qui l’apaisera ? Toi disparu, quel astre guidera le navire au port ?
Ô nuée envieuse même de cette courte joie ! As-tu à te plaindre de nous ? Pourquoi tant de hâte à nous fuir ? De quel trésor t’envoles-tu chargée ? Et dans quel dénuement nous laisses-tu, nous ? et dans quelle nuit ?
Fray LUIS DE LEON (1527-1591), écrivain espagnol.
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