Pervenche, puis aubergine , ou l’inverse je ne sais plus, et maintenant bleu marine.
Je veux parler de ces silhouettes qui hantent nos rues parisiennes, un petit calepin à la main, pour traquer la voiture mal garée. Leur simple vue fait penser non seulement aux PV mais à la fourrière qui rôde menaçante sous la forme d’une ou de plusieurs voitures qui traînent non loin. Bref on les aime.
Je me suis interrogée au bonheur et à la joie, pour ces préposés au stationnement, d’exercer une telle activité professionnelle.
Pour étayer ma réflexion, j’ai essayé de réunir quelques éléments qui permettent de mieux les cerner.
Leurs qualités sont indéniables.
Ils sont rigoureux et rien n’échappe à leur regard acéré. Rapides : en trente secondes, tout est dit. Autoritaires aussi puisqu’il leur faut résister aux pleurnicheries de l’automobiliste récalcitrant. Ils sont courageux puisqu’ au confort d’un bureau, ils ne craignent pas d’affronter la pluie, le vent, le froid, le chaud. Ils font preuve aussi d’un grand sens de l’équipe. Ils circulent à plusieurs et semblent soudés autour d’un objectif commun : dresser des PV.
Leur motivation ne fait aucun doute.
A les voir concentrés sur leurs papiers comme si le sort du monde en dépendait, on sent que leur boulot leur tient à cœur. Ils ont le goût du travail bien fait. Ils sont assidus, n’hésitant pas à travailler tôt le matin, tard le soir, le samedi et le dimanche. Le respect du règlement est une valeur si forte à leurs yeux qu’ils se mettent en 4 pour la faire partager à leurs concitoyens. Qui en retour et malheureusement ne leur témoignent aucune considération.
Leur rôle consiste à faire rentrer du blé dans les caisses de l’état. Ils y réussissent magnifiquement. L’activité semble très lucrative et leur nombre ne fait que croître et embellir. Ce faisant, ils contribuent à écorner quelque peu le pouvoir d’achat mensuel de leurs concitoyens qui leur en tiennent rigueur. Néanmoins ils participent à l’essor économique puisque pour répondre à leur intervention en progression constante, des entreprises se sont crées. Qui proposent d’aller récupérer les voitures à la fourrière.
Ils assurent le respect des règles de stationnement. Et donc participent à l’amélioration de la circulation. Haro donc sur les voitures garées devant les entrées d’immeubles, dans les endroits interdits, ou qui ne payent pas le stationnement quand celui-ci est payant.
On observera cependant que l’enlèvement d’une voiture à la fourrière se fait souvent ponctuellement au détriment de la circulation. On ne peut pas être bon partout.
Autre chose. Ils apportent aussi un soin très particulier aux zones de livraison et autre transport de fonds. Qui occupent en général une place conséquente le long des trottoirs. Leur but, à ces braves gens, est de les laisser vierges de tout stationnement afin de faciliter bien évidemment…les livraisons.
Bizarrement les camions dits "de livraison" ne les utilisent jamais, préférant s’arrêter au milieu de la rue, à une heure en général où un milliard de gens pressés prennent leur voiture pour aller bosser.
Vous aussi, vous avez noté ?
Les commerçants, devant qui en général sont situés ces fameux emplacements, y garent leur propre véhicule de livraison. Ce qui semble assez logique. Ils sont les premiers concernés. Et on pourrait penser qu’ils y ont droit. Faux. J’ai assisté récemment à une scène hallucinante où la camionnette d’une superette garée sur l’espace de livraison se faisait embarquer à la fourrière.
Les zones de livraison restent donc vides la plupart du temps. Et c'est le point essentiel aux yeux de nos chers agents de stationnement. Cela n'a finalement pas grand chose à voir avec la fluidité de la circulation. Mais c’est leur " core business ". Le levier puissant de leur chiffre d’affaires.
Car, qui va résister ? Elles tendent leurs bras salvateurs à l’automobiliste qui cherche une place à l’heure du déjeuner (elles pullulent en effet devant les restaurants), ou à celui qui veut s’acheter un petit fromage, justement il y en a une devant le fromager. Avant même que votre cerveau ne prenne la décision, ils savent que vous allez vous garer. Et ils surgissent , calepin en main, fourrière alertée, au moment même où vous avez tourné les talons.
Et le soir, quand un jean a remplacé la tenue bleu marine, que dit " il " ou " elle" à sa moitié pour décrire ce qu' ''il" ou "elle" a kiffé dans sa journée.
"Chérie (ou chéri), aujourd’hui, j’étais chargé du boulevard des Capucines. Il faisait beau. Du coup il y avait plein de bagnoles mal garées. Qu’est-ce qu’on a aligné ! Pas une ne nous a échappé. Quelle efficacité !"
Je vous ôte d'un doute. Il n'y a pas de sot métier.
Putain, quel bonheur d’être une pervenche !