Après l’Anthologie littéraire de la fellation, dont il avait été question dans ces colonnes l’an dernier, Frank Spengler propose aujourd’hui une Anthologie littéraire de la jouissance (Editions Blanche, 224 pages, 12,95 €). Si, dans le premier ouvrage, la proportion de textes d’auteurs contemporains édités par Blanche était écrasante (70%), cette fois, Frank Spengler a nettement redressé la barre : sur les 49 extraits réunis, 28 concernent des auteurs classiques ou publiés ailleurs.
Comme l’an passé, on regrettera l’absence d’une préface ou d’une introduction. Ce livre le méritait bien. D’un point de vue littéraire d’abord, car nombre d’écrivains majeurs se sont aventurés, avec des fortunes diverses, sur le terrain de l’érotisme et il ne semblait pas superflu d’attirer l’attention du lecteur sur leurs motivations, les thèmes abordés, leur volonté ou leur refus de la clandestinité, leur style, le contexte dans lequel ces œuvres s’inscrivaient, etc. D’un point de vue marketing ensuite, car si les amateurs de « livres du second rayon » possèdent en général l’érudition nécessaire (et conservent le plus souvent dans leur bibliothèque les principaux titres ici répertoriés), le lecteur novice, désireux de découvrir la littérature érotique, y trouverait sans doute quelque intérêt plutôt que de se contenter d’extraits bruts, même si certains s’imposent comme des archétypes.
Pour autant, cette anthologie regroupe de beaux textes décrivant la jouissance sexuelle sous toutes ses formes et fait la part belle aux gloires des Lettres. Ainsi, à côté d’auteurs « maison » comme Vanessa Duriès ou Florence Dugas, trouve-t-on Les 11.000 verges d’Apollinaire, La Philosophie dans le boudoir de Sade, Le Rideau levé ou l’éducation de Laure de Mirabeau, Gamiani, attribué à Musset, des poèmes de Clément Marot, de L’Arétin, de Verlaine et de Théophile Gautier, L’Anglais décrit dans le château fermé de Pieyre de Mandiargues, Trois filles de leur mère de Pierre Louÿs, sans oublier Sexus, d’Henry Miller. De grandes plumes, comme Bernard Noël, Georges Bataille et Pierre Bourgeade, sont absentes, mais telle est la loi du genre, l’anthologie reflétant avant tout un choix. En revanche, on sera gré à Frank Spengler d’avoir pensé à inclure dans de livre la Vision de l’Ange de la Transverbération de Thérèse d’Avila, dont l’extase fut si bien fixée dans le marbre par le Bernin.
Illustration : Gian Lorenzo Bernini, L'Extase de sainte Thérèse, 1652, Eglise Santa Maria della Vittoria, Rome.