« Christiane Taubira déclare sans ambages qu'il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabe-musulmane pour que les «jeunes Arabes» «ne portent pas sur leur dos tout le poids de l'héritage des méfaits des Arabes». » C Taubira.
Par contre il est utile et urgent que les jeunes européens portent eux tout le poids de leur héritage colonial. Taubira n’est donc pas dans une démarche historienne (qu’elle n’est pas) ni républicaine puisque communautaire (les noirs vs les blancs, en gros). Pas un mot dans sa fameuse « loi » sur les traites non occidentales, notamment orientale et africaine. L’européen seul est coupable et seul doit expier. Comme Sartre put faire l’apologie du totalitarisme communiste (puis maoïste) pour « ne pas désespérer Billancourt », Taubira falsifie l’histoire des traites négrières et prend en otage la république française et les historiens dans une logique victimaire et communautaire haineuse sous les dehors de l’anti-racisme militant. Ne pas désespérer Grigny peut-être? Au fond, le problème n’est pas tant dans le fait que la pauvre Taubira puisse débiter ses élucubrations et sa névrose ménopausée mais dans le fait que ce genre de personnage ,parfaitement nuisible à la paix civile, puisse être porté au pinacle par le Spectacle et institué non seulement en garant des lois républicaines mais aussi en figure de notre époque.
" (...) La colonisation fut le péché majeur de l’Occident. Toutefois, dans le rapport de la vitalité et de la pluralité des cultures, je ne vois pas qu’avec sa disparition on ait fait un grand bond en avant ", affirme Lévi-Strauss dans De prés et de loin. Votre appréciation ?
L’assertion est historiquement fausse. Les Grecs, les Romains, les Arabes ont tous entrepris et réussi des opérations immenses de colonisation. Plus que cela, ils ont assimilé ou converti –de gré ou de force- les peuples conquis. Les Arabes se présentent maintenant comme les éternelles victimes de l’Occident. C’est une mythologie grotesque. Les Arabes ont été, depuis Mahomet, une nation conquérante, qui s’est étendue en Asie, en Afrique et en Europe (Espagne, Sicile, Crète) en arabisant les populations conquises. Combien d’ « Arabes » y avait-il en Egypte au début du VIIème siècle ? L’extension actuelle des Arabes (et de l’Islam) est le produit de la conquête et de la conversion, plus ou moins forcée, à l’islam des populations soumises. Puis ils ont été à leur tour dominés par les Turcs pendant plus de quatre siècles. La semi-colonisation occidentale n’a duré, dans le pire des cas (Algérie), que cent trente ans, dans les autres beaucoup moins. Et ceux qui ont introduit les premiers la traite des Noirs en Afrique, trois siècles avant les Européens, ont été les Arabes. Tout cela ne diminue pas le poids des crimes coloniaux des Occidentaux. Mais il ne faut pas escamoter une différence essentielle. Très tôt, depuis Montaigne, a commencé en Occident une critique interne du colonialisme qui a abouti déjà au XIXème siècle à l’abolition de l’esclavage (lequel en fait continue d’exister dans certains pays musulmans), et , au XXième siècle, au refus des populations européennes et américaines (Vietnam) de sa battre pour conserver les colonies. Je n’ai jamais vu un Arabe ou un musulman quelconque faire son « autocritique », la critique de sa culture, à son point de vue. Au contraire, regardez le Soudan ou la Mauritanie. (...)
Cornélius Castoriadis, Une société à la dérive, Essais, 2005.
« (...) On est capable en Occident, du moins certains d'entre nous, de dénoncer le totalitarisme, le colonialisme, la traite des Noirs ou l'extermination des Indiens d'Amérique. Mais je n'ai pas vu les descendants des Aztèques, les Hindous ou les Chinois, faire une autocritique analogue, et je vois encore aujourd'hui les Japonais nier les atrocités qu'ils ont commises pendant la Seconde guerre mondiale. La colonisation de certains pays arabes par les Européens a duré, dans le pire des cas, 130 ans: c'est le cas de l'Algérie, de 1830 à 1962. Mais ces mêmes Arabes ont été réduits à l'esclavage et colonisés par les Turcs pendant cinq siècles. La domination turque sur le Proche et le Moyen-Orient commence au XVe siècle et se termine en 1918. Il se trouve que les Turcs étaient musulmans - donc les Arabes n'en parlent pas. L'épanouissement de la culture arabe s'est arrêté vers le XIe, au plus le XIIe siècle, huit siècles avant qu'il soit question d'une conquête par l'Occident. Et cette même culture arabe s'était bâtie sur la conquête, l'extermination et/ou la conversion plus ou moins forcée des populations conquises. En Egypte, en 550 de notre ère, il n'y avait pas d'Arabes - pas plus qu'en Libye, en Algérie, au Maroc ou en Irak. Ils sont là comme des descendants des conquérants venus coloniser ces pays et convertir, de gré ou de force, les populations locales. Mais je ne vois aucune critique de ces faits dans le cercle civilisationnel arabe. De même, on parle de la traite des Noirs par les Européens à partir du XVIe siècle, mais on ne dit jamais que la traite et la réduction systématique des Noirs en esclavage a été introduite en Afrique par les marchands arabes à partir des XI-XIIe siècles (avec, comme toujours, la participation complice des rois et chefs de tribus noirs), que l'esclavage n'a jamais été aboli spontanément en pays islamique et qu'il subsiste toujours dans certains d'entre eux. »
Cornélius Castoriadis, http://www.republique-des-lettres.fr/232-cornelius-castoriadis.php