Les députés québécois qui démissionnent touchent une indemnité de départ de plus de 100 000 dollars. Pourtant quelque chose me dit que la « transition » d’un chômeur ordinaire peut parfois être plus difficile que celle d’un haut placé du Parti libéral.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
C’est un détail, direz-vous, dans cette saga qui déchire le Québec. Mais c’est un détail que se fait un devoir de souligner, puisque c’est son travail, la Ligue des contribuables du Québec.L’ex-ministre de l’Éducation Line Beauchamp recevra, même si elle a démissionné, une indemnité estimée à 150 000 $. Pour l’aider dans sa « transition ». Ces indemnités de départ — même quand un député décide lui-même de quitter avant la fin de son mandat, répétons-le — sont désormais chose courante. Sauf que leur montant est confidentiel. La Ligue doit calculer elle-même cette indemnité.
Évidemment, je ne vous apprends rien en disant que les travailleurs qui quittent volontairement leur emploi n’ont pas droit à l’assurance chômage. Et quelque chose me dit — mon petit doigt, tiens — que la « transition » d’un chômeur ordinaire peut parfois être plus difficile que celle d’un haut placé du Parti libéral.
Mais trêve de cynisme. Plusieurs s’accordent pour dire que Mme Beauchamp ne l’a pas eu facile. Mérite-t-elle cette prime de départ? Je vous laisse juger.
En fait, ce qui tique, ce n’est pas l’indemnité de Mme Beauchamp en soi. C’est plutôt que, comme le souligne la Ligue, c’est la neuvième élue à démissionner depuis la dernière élection générale, soit depuis trois ans et demi. Ces départs coûtent de l’argent aux contribuables. Car en plus des indemnités à verser, il faut remplacer le député. Et chaque élection partielle coûte près de 600 000 $ aux Québécois. « Concrètement, la facture pour remplacer les neuf démissionnaires attendra donc 6,61 millions $ », écrit la Ligue dans un communiqué.
Et ce qui tique encore plus, c’est quand on apprend que Tony Tomassi, un autre député démissionnaire, recevra une indemnité de départ de 122 000 $, selon la Ligue. Le cas de M. Tomassi apparaît, disons, inconvenant. Non pas à cause de ses histoires de cartes de crédit, de garderies et des accusations contre lui, mais à cause de son absentéisme depuis deux ans. « Il est déjà troublant qu’il ait reçu son salaire même s’il ne s’est presque jamais présenté à l’Assemblée nationale depuis son expulsion du caucus libéral, en mai 2010 », écrit Claire Joly, directrice générale de la Ligue. Le député caquiste Éric Caire a d’ailleurs réclamé une enquête du commissaire à l’éthique en raison des absences prolongées de M. Tomassi au Salon bleu.
La Ligue espère que M. Tomassi remboursera, d’une façon ou d’une autre, son indemnité de départ et son salaire des deux dernières années. « Il en va de la confiance des citoyens envers la classe politique. » Bonne chance avec ça.
Revenons à Mme Beauchamp. Elle a le droit de démissionner. C’est son choix et tous doivent le respecter. Mais comme l’écrit Mme Joly, si l’on juge que nos politiciens ne sont pas assez payés vu leurs responsabilités, on devrait faire ce débat. Plutôt que de tolérer l’existence de primes à la démission dont les montants sont gardés loin des yeux du public.
Oui, il y a des choses plus urgentes à régler en ce moment. Et les primes de départ de politiciens qui démissionnent sont une goutte d’eau dans l’océan de nos dépenses. Mais en cette ère où chacun doit faire sa « juste part », il faudra se pencher sur cette question un jour ou l’autre.
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