Takanashi, en deux temps

Publié le 17 mai 2012 par Marc Lenot

Yutaka Takanashi, Gare de Tokyo, quartier de Chiyoda,1965

Yutaka Takanashi, ST, début années 1970

J’ai rarement fait le grand écart autant qu’entre les deux étages de l’exposition de Yutaka Takanashi à la Fondation Cartier-Bresson jusqu’au 29 juillet, et sans doute est-ce un bon critère discriminant que de demander à chacun quel étage il a préféré. Le premier, autour de son livre Toshi-e, est entièrement en noir et blanc, des photographies dépouillées, souvent prises au vol, photos de foule, de vitesse, de confusion et de flou, dans des

Yutaka Takanashi, ST, 1968

lieux de passage, gares, rues, grands magasins. La réalité n’y apparaît souvent qu’à travers des filtres : l’obscurité, la brume, la pluie, la buée, comme celle en haut prise à la gare de Tokyo. Les paysages, toujours peuplés, y sont parfois étranges, comme les baigneurs ci-contre qui marchent sur l’eau au milieu de la mer.

Yutaka Takanashi, ST, 1969

Takanashi qui participe alors à la revue Provoke, tente de capturer sans artifice des fragments de réalité, des morceaux d’atmosphère, conscient qu’il ne peut tout contrôler, que l’image lui échappe, comme celle ci-dessus qui aurait pu être un téton couvert de dentelle dans une lumière interstellaire, et qui est peut-être la robe d'un mannequin vue en plongée. Michel Butor écrivit un texte sur lui, publié en japonais, et qui n'a apparemment jamais été édité en français.

Yutaka Takanashi, Machi, 1982

L’étage au dessus (Machi) est consacré à la couleur, avec son témoignage sur le Tokyo ancien et populaire, en péril de disparition. Chaque photographie, prise à la chambre, est minutieusement composée (en font preuve ses petits carnets de croquis exposés dans une vitrine), l’homme est absent et l’improvisation a laissé la place à un processus rigoureux et contrôlé d’enregistrement du réel (si le thème rappelle Atget, la manière de procéder me semble fort différente). Takanashi dit avoir alors voulu se débarrasser du poétique. Je suis resté perplexe ; ma préférence est évidente.

Photos courtoisie Fondation HCB, et Galerie Priska Pasquer Cologne (N&B) et Toluca Editions (Machi).

Lire la critique de Claire Guillot.