EXTRAIT :
« Je suis sorti de taule le 9 septembre 1996, après dix-sept ans et demi, j’avais pris perpètre avec une peine plancher de quinze ans. Je suis sorti du centre d’éducation surveillée d’Auburn, New-York.
On m’appelle Joey One-Way. On m’appelle comme ça parce qu’en taule je disais toujours, ici, c’est un sens unique, only one-way, et le seul moyen d’en sortir, c’est entre quatre planches.
J’ai averti Flore. Je l’ai avertie. Tu ferais mieux de rester à l’écart de moi, ma jolie. Je t’en supplie, tiens-toi à l’écart. »
AVIS :
La littérature anglo-saxonne est souvent extrêmement plaisante. Seul soucis, et non des moindres, les traductions des oeuvres peuvent parfois s’avérer problématiques. Il est évident qu’un roman peut se retrouver grandement diminué par une « mauvaise » traduction. Conclusion, les traducteurs sont très souvent aussi importants que les écrivains eux-mêmes (on exagère à peine).
Le bon côté de « Kill Kill Faster Faster » : une nouvelle traduction revue, corrigée, augmentée, et tout et tout par Natalie Beunat et Laetitia Devaux. A l’arrivée, le roman de Joel Rose n’en sort que plus fort.
Dans cette oeuvre entre le rap et le slam, on suit le personnage de Joey One-Way, ex-taulard au passé noir et dramatique. L’écrivain nous livre les tourments d’un homme rongé par le remord et dévasté par la passion pour une certaine Flore, la seule à encore le comprendre.
« Kill Kill Faster Faster » c’est l’histoire d’un homme perdu et incapable d’être membre d’une société qui l’a emprisonné pendant dix-sept ans. Maladroit, hargneux, brutal, Joey ne sait plus aimer sainement, il ne peut que détruire. Il le sait, s’en veut et préfère éviter de faire souffrir celles qui ont déjà tant enduré, ses deux filles, abandonnées à son entrée en prison.
Difficile de ne pas parler du style si particulier du roman, surprenant et très déroutant dans les premières pages. Ne nions pas qu’il risque d’en dégouter plus d’un. Gageons que ce roman ne risque pas d’être aimé par les amoureux de la langue française et autres membres de l’Académie.
Mais, parfois, un style « vulgarisé » a de quoi plaire. Voyez-vous, le personnage de Joey lui-même est vulgaire, grossier, violent, et tout autres qualificatifs réjouissants. Dans cet ordre d’idées, le style utilisé pour retranscrire ses longues réflexions ne saurait s’apparenter à celui de Jean d’Ormesson. Il est donc tout à fait « agréable », ou tout du moins logique, de découvrir pages après pages ce langage brut, sans quelconques effets, pauvre en un sens, comme le personnage de Joey.
Au final, c’est une belle nouvelle traduction made in 2012 d’un beau roman, datant déjà de 1997. On admettra que seul un public averti, torturé ou rebelle peut réellement apprécier « Kill Kill Faster Faster » et sa prose si particulière. On vous proposerait bien, plutôt qu’une possible lecture complexe, de regarder le film adapté du roman et réalisé en 2008, par Garreth Maxwell.
Seulement voilà, il semblerait que c’est un navet et après la vision de quelques extraits,on ne manifeste guère l’envie de contredire ce fait.
Conclusion, si tu es un jeune ou moins jeune et que tu as envie de crier ta haine à la société, mais que tu n’as pas envie de balancer ton Iphone et rejoindre les Indignés, si parfois, tu te lamentes de ne pas trouver de roman te rappelant tes jours de grosses déprimes à tendance violente, ou que tu souhaites te rassurer sur ta santé mentale, si tu souhaite tout simplement lire quelque chose qui « décoiffe » dans tout les sens du terme, comme disent les jeunes, cette semaine, il faut t’attarder sur « Kill Kill Faster Faster » de Joel Rose.