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Par Plumesolidaire

 

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A Gruissan, la France «carbure» aux microalgues

énergies Mercredi 11 avril 2012

Par Pierre Le Hir, Le Monde

C’est dans l’Aude, au sud-ouest de la France, qu’est mené le plus important projet français de valorisation énergétique des microalgues, source de biocarburants. 

A perte de vue, les salins de Gruissan (Aude) miroitent sous le soleil printanier. Sur près de 400 hectares, entre mer et lagune, la récolte des cristaux d’«or blanc» faisait encore vivre, dans les années 1970, une trentaine de familles. L’exploitation a périclité, même si l’on y produit toujours du sel alimentaire et industriel. Les sauniers ont cédé la place aux touristes, qui viennent y déguster des huîtres et, s’ils ont de la chance, admirer un vol de flamants roses.

Mais, aujourd’hui, le site s’est trouvé une nouvelle vocation, scientifique et industrielle. Ici est mené le plus important projet français de valorisation énergétique des microalgues. Le premier à avoir dépassé le stade du laboratoire, pour une expérimentation en conditions réelles et à grande échelle. Il s’agit de démontrer la viabilité, technique et économique, de cette filière comme source de biocarburants, de biogaz et de produits à forte valeur ajoutée.

«Nous sommes partis de rien. Il a fallu tout construire. Chacun y a mis ses compétences», relate Thomas Lasserre, responsable des activités bioénergie de la Compagnie du vent (GDF-Suez), qui coordonne le projet Salinalgue. Organismes publics de recherche, universités, groupes industriels, PME : treize partenaires sont associés dans ce programme de 7,5 millions d’euros financé, pour plus de la moitié, par le ministère de l’écologie, les régions Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi que l’Europe.

Quatre bassins

Quatre bassins de 250 m2 chacun, soit au total 1 000 m2, ont été aménagés à proximité des marais de Gruissan. Ils ont été ensemencés par une microalgue locale, Dunaliella salina, acclimatée aux milieux salins. Des roues à aubes brassent en permanence ce bouillon de culture, où sont injectés du gaz carbonique et des nutriments (nitrates et phosphates).

Tel est le cocktail nécessaire à la croissance du phytoplancton par photosynthèse : de l’eau, du soleil et du CO2. Dans la pratique, la recette est, bien sûr, plus complexe. «Dès qu’on sort du laboratoire, les conditions deviennent très différentes, explique Thomas Lasserre. Il faut tenir compte du vent, de la pluie, des embruns, de la pollution par des microorganismes...»

Il faut, surtout, trouver le degré de salinité optimal -celui qui assurera le meilleur développement de Dunaliella salina tout en éliminant les algues concurrentes- et le dosage de nutriments le plus efficace - celui qui forcera la plante à produire le maximum d’huile, à partir de laquelle pourra être élaboré du biodiesel.

Sur le papier, le potentiel des microalgues est de 5 000 à 10 000 litres de biodiesel par hectare cultivé et par an, assurent les experts. Soit entre cinq et dix fois plus que celui du colza.

C’est ce qui justifie les espoirs placés dans les biocarburants algaux, dits de troisième génération par opposition à ceux de première génération déjà sur le marché (les agrocarburants extraits du colza, du soja, du tournesol ou de la palme pour le biodiesel, de la betterave et de la canne à sucre, du blé ou du maïs pour le bioéthanol), et ceux de deuxième génération encore à l’étude (exploitant toute la matière végétale, bois, feuilles, tiges, pailles et déchets verts).

Plusieurs avantages

Les microalgues, elles, n’ont pas l’inconvénient d’accaparer des terres agricoles. Surtout si on les cultive, comme à Gruissan, dans des bassins déjà existants, avec le souci de limiter l’impact sur le milieu naturel. Elles ont aussi l’avantage d’absorber du CO2, à raison d’une centaine de tonnes par hectare de culture et par an.

Le gaz carbonique est livré sur le site par Air Liquide, mais, à terme, il pourrait être récupéré dans les fumées d’une cimenterie voisine. A plus grande échelle, la production algale pourrait ainsi permettre de recycler des volumes significatifs de CO2 industriel.

Salinalgue n’est encore qu’un «pilote». Si les essais sont concluants, de nouveaux bassins, 10 à 100 fois plus grands, seront aménagés entre 2013 et 2015. Avant la possible construction d’un prototype industriel, encore dix fois plus vaste.

Des «verrous» à lever

D’ici là, beaucoup de «verrous» restent à lever, reconnaît Thomas Lasserre. La culture de Dunaliella salina en grands bassins de plein air doit être maîtrisée ; les procédés de récolte et d’extraction de l’huile optimisés, afin qu’ils soient plus économes en énergie ; les coûts de production drastiquement réduits. Pour y parvenir, les partenaires de Salinalgue prévoient de tirer des microalgues tout leur «jus» énergétique et d’en extraire non seulement de l’huile pour du biodiesel, mais aussi des protéines alimentaires pour l’aquaculture et du béta-carotène (utilisé dans l’alimentation, comme colorant et antioxydant, et dans la cosmétique), les résidus étant valorisés en biométhane.

«L’utilisation massive des microalgues à des fins énergétiques n’est pas attendue avant dix ans», préviennent les successeurs des sauniers de Gruissan. Avec l’inauguration de Salinalgue, quelques semaines après le lancement d’un autre projet, GreenStars, dans le cadre des Investissements d’avenir, la France a en tout cas entrepris de combler un retard paradoxal. Alors qu’elle possède des équipes de recherche sur les microalgues de premier plan, parmi les plus fécondes au monde en publications et en brevets, elle reste à la traîne pour les développements industriels.

Cela quand plus de 200 entreprises, pour la plupart aux Etats-Unis, ont déjà misé sur l’énergie des algues au total plus d’un milliard d’euros.


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