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Quarantième anniversaire du décès de l’abbé Fulbert Youlou

Par Ynkodia

A l’occasion du quarantième anniversaire du décès de l’abbé Fulbert Youlou : des mots et de la saveur de quelques idées politiques du premier président du Congo Brazzaville (1959-1963) mort exil à Madrid le 5 mai 1972

Sous l’ancien régime allant de décembre 1958 au mois d’août 1963, les convictions des hommes politiques congolais ne souffraient d’aucune ambiguïté. L’Homme était politique, l’exprimait, s’engageait parce que ses convictions fortement enracinées en lui étaient le moteur même de son action.

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Ainsi, l’abbé Fulbert Youlou tout comme Jacques Opangault ou Félix Tchicaya, croyait en une action politique fondée sur des idéaux, des vraies valeurs qui sont à même de définir l’identité d’une nation. Et à ce titre, à mieux comprendre le sens des choix socio-politiques de ses gouvernants.

A ce propos, l’abbé Fulbert Youlou n’a jamais cru au communisme ou au socialisme africain qu’il va d’ailleurs qualifier de mirage.

Même s’il est de confession chrétienne plus précisément d’obédience catholique, l’abbé Fulbert Youlou est, peut-on dire, un véritable traditionaliste africain digne de ce nom.

En fait sur le plan spirituel, la démarche de l’abbé Fulbert Youlou est pratiquement identique à celle de ses prédécesseurs qui sont aussi ses anciens à savoir : Simon Kimbangu et André Grenard Matswa. En effet tout en restant en parfaite harmonie avec les croyances de leurs ancêtres, le prophète Simon Kimbangu et le vénéré Ngunza André Grenard Matswa ont aussi cru en la parole de l’évangile qui, selon eux est aussi source de libération et donc de respect des peuples.

C’est dans cette vision des choses que s’inscrit aussi l’action de l’abbé Fulbert Youlou qui croit avec force sur le plan politique que :

 » Le continent noir est profondément spiritualiste, traditionnaliste, attaché à ses coutumes, à sa terre, à ses chefs naturels. Il est démocrate et communautaire et il n’a pas attendu Marx pour mettre en commun ses ressources, mais il sait que rien de grand n’a été réalisé dans le monde en dehors de l’instinct naturel qu’ont les hommes de posséder, d’améliorer leur sort et d’enrichir.  » ( A.F.Y in  » J’accuse la Chine  » Edition La Table Ronde  » P.15 et s.).

Ainsi, l’abbé Fulbert Youlou est fort convaincu que le « christianisme kimbanguien ou matswaniste » apporte mieux une solution sociale aux problèmes posés aux peuples africains que ne le ferait le communisme ou le socialisme que certains fils d’Afrique vont qualifier béatement de scientifique.

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L’échec total du socialisme scientifique dans les pays qui l’ont adopté vient, écrit l’abbé Fulbert Youlou, de la toute-puissance des intellectuels politisés qui ont substitués un dictatoriat de l’élite privilégiée à la démocratique autorité tribale, toujours basée sur le consentement populaire contre lequel aucun chef ne s’insurge. Le chef que le peuple se choisit librement et régulièrement est, ajoute le président-abbé, désigné parce que jugé assez fort pour juguler la nature africaine mais s’il lui arrive d’outrepasser ses pouvoirs, il est éliminé impitoyablement. Ne dirige pas qui veut en Afrique, conclut-il, mais qui le mérite.

A dire vrai, l’abbé Fulbert Youlou n’a jamais cru en l’application sur les terres africaines de la théorie de la lutte des classes qui est un crédo fort intéressant des « missionnaires du socialisme scientifique ».
A ce sujet l’abbé président déclare :

«  Les classes naturelles sont, pour la plupart, encore nécessaires à l’évolution de l’Afrique, comme l’aristocratie, la noblesse et la bourgeoisie l’ont été aux progrès de la civilisation. »

Pour étayer ses assertions, l’abbé Fulbert Youlou fait application d’un adage bantou d’après lequel :

 » Ce sont les racines profondes qui font les géants de nos forêts et l’arbre qui n’a pas de solides racines ne monte jamais bien haut  » ( A.F.Y in  » J’accuse la Chine  » P.44)

C’est à ce titre que l’abbé Fulbert Youlou formule un avertissement prophétique à l’endroit de ses frères Africains et Congolais intellectuels qui se laissent aller par des courants de pensée communiste ou marxisante.

Aussi, n’hésite-t-il point à leur rappeler et même à l’endroit des européens qui sont leurs complices que :

 » Chez nous, quand un piroguier tombe dans le Congo, instinctivement il lutte contre le courant, car il sent que s’il se laisse aller là où le flot le charrie, il est perdu. Le  » sens de l’Histoire », c’est un peu l’affaire du piroguier et il me paraît aberrant que des hommes intelligents, cultivés se placent au milieu des rapides qui les emportent vers l’univers totalitaire et athée. » ( A.F.Y in  » J’accuse la Chine  » P.45.)

Aux termes de cette analyse fort pertinente, l’abbé-président en arrive à une conclusion d’après laquelle  » Voilà qui nous mène loin du Congo et de ses drames. Eh bien ! Non, car j’ai la conviction que les ennemis de la civilisation préparent, de mon Congo occupé par les barbares, non seulement l’investissement de l’Afrique, mais celui des esprits, des cœurs et des âmes.  »

A cela le prophète-abbé ajoute avec solennité :

 » Il faut que mon exil, mes épreuves, celles de mon peuple éclairent les Français, les Européens, les Américains et tous les hommes libres. Il fallait peut être cette extrémité pour que je confie à la feuille blanche mes angoisses et mes certitudes, mes larmes et mes colères. » (  » J’accuse la Chine  » P.46.).

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Ainsi partisan d’un christianisme africain respectueux des valeurs des peuples, l’abbé Fulbert Youlou croyait très fort que :

 » L’Afrique réaliste est celle qui a le courage de reconnaître et de considérer l’acquit de la colonisation comme partie organique de l’Afrique indépendante et non d’avoir retardé son évolution. Ce qui ne veut pas dire que cette Afrique entend copier ou imiter les Occidentaux, mais affirmer, en collaboration avec l’Occident…sa vocation, sa culture, ses coutumes, sa fécondité d’invention; l’Afrique qui sait que sa jungle et sa savane monstrueuses peuvent, si les Africains se laissent aller à l’indolence de l’indépendance, recouvrir et annihiler ce qui a été réalisé « . (  » J’accuse la Chine  » P.43.)

Ceci dit, l’abbé Fulbert Youlou va s’ériger en missionnaire démocrate-chrétien mais toutefois traditionnaliste africain en croyant avec force, à l’instar de Matswa ou du prophète Kimbangu en :

«  L’Afrique consciente du potentiel de ses richesses du sol et du sous-sol qui doivent lui permettre d’assurer sa subsistance, d’améliorer les conditions de vie de chaque Africain, non comme le prétendent les  » missionnaires  » du socialisme par des révolutions intérieures, mais par la loi naturelle de l’effort, de la compétition dans la liberté d’entreprendre. » (  » J’accuse la Chine  » P.43.)

Avec les pensées prophétiques du visionnaire abbé Fulbert Youlou, il est plus que jamais nécessaire et en même temps urgent, de rappeler que le développement et l’autonomie de l’Afrique de demain passeront par une conscience-lumière de ses dirigeants qui sauront puiser ce qu’il y a de mieux et surtout de meilleur dans cette dynamique de la culture africaine.

En somme, avec le visionnaire, le Ngunza, l’abbé Fulbert Youlou  » Le vouloir vivre libre et indépendant  » n’est pas que l’art de la contestation. Outre le fait de préserver son identité et sa dignité, c’est aussi l’art de prévoir et d’anticiper sur la manière de faire et d’être face aux divers obstacles auxquels on peut être confronté et qui, par conséquent sont susceptibles d’entraver la liberté d’entreprendre et d’autonomie existentielle.

Rudy MBEMBA-Dya-Bô-BENAZO-MBANZULU ( alias Tata N’DWENGA)
Avocat à la Cour



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